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Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail : principaux enjeux

Le 6 septembre 2021, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail a reçu la sanction royale. Ce régime n’avait subi aucun véritable changement important depuis plus de 35 ans, et ce, malgré maintes intentions des gouvernements précédents. Après plusieurs mois d’étude détaillée, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale a mené à terme son projet et déposé sa volumineuse modernisation.

Présentant une refonte des deux lois principales en matière de santé et de sécurité du travail, soit la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), cette réforme est majeure et ambitieuse. Elle prévoit la modification ou l’ajout de plus de 300 articles touchant la prévention des risques, l’indemnisation des lésions professionnelles et le financement du régime, lequel est, rappelons-le, entièrement assumé par les cotisations payées par les employeurs de la province.

Un tel projet favorise évidemment les droits des travailleurs, mais impose inévitablement de nouvelles obligations aux employeurs, lesquelles viendront influencer l’organisation du travail, les conditions d’emploi, les comportements et les cultures d’entreprise en matière de santé et de sécurité dans les milieux de travail.

Sans énumérer de manière exhaustive l’ensemble des modifications, en voici quelques-unes, selon leur date d’application.

Loi sur la santé et la sécurité du travail

À compter du 6 avril 2022

Violence physique, psychologique ou conjugale 

Un des éléments phares du projet de loi est l’ajout d’une obligation en ce qui concerne la protection des travailleurs face à la violence psychologique, y compris la violence conjugale. L’ajout à l’article 51 de la LSST imposera à l’employeur l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des travailleurs exposés à une situation de violence physique ou psychologique, laquelle inclut la violence conjugale ou familiale. Dans une telle situation, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires « lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que le travailleur est exposé à cette violence ».

À compter du 1er janvier 2023

Comité de chantier  – Construction

Dès le début des travaux, un comité de chantier doit être formé par le maître d’œuvre lorsqu’il est prévu que les activités sur un chantier de construction occuperont simultanément au moins 20 travailleurs de la construction, à un moment des travaux. Ce comité doit voir à l’application du programme de prévention, au traitement des plaintes, au suivi des accidents du travail et des rapports d’inspection. Une rencontre devra être prévue minimalement aux deux semaines, ou chaque semaine dans le cas de chantiers de plus de 100 travailleurs.

Coordonnateur en santé et sécurité – Construction

Lorsqu’occuperont simultanément au moins 100 travailleurs de la construction, ou que le coût des travaux du chantier excédera 12 millions de dollars, le maître d’œuvre devra désigner un coordonnateur en santé et sécurité.

Programme de prévention spécifique au chantier et représentant en santé et sécurité

Lorsqu’il est prévu qu’au moins 10 travailleurs de la construction occuperont simultanément un chantier de construction à un moment des travaux, le maître d’œuvre doit, avant le début des travaux, élaborer un programme de prévention ayant pour objectif d’éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur.

Pareillement, la nomination d’un représentant en santé et sécurité sera requise lorsque les activités sur un chantier nécessiteront simultanément de 10 à 99 travailleurs à un moment des travaux. Celui-ci doit être nommé par la majorité des travailleurs du chantier ou par l’association représentative ayant le plus de travailleurs affiliés présents sur le chantier.

D’autres actions sont également prévues dans le cadre de la modernisation, mais à une date à déterminer :

  • Désigner un agent de liaison en santé et sécurité dans les établissements ayant moins de 20 travailleurs.
  • Obligation de former un comité de santé et de sécurité ainsi que d’élaborer et de mettre en application un programme de prévention dans les établissements qui ont au moins 20 travailleurs au cours d’une année.
  • ​Obligation de dresser et maintenir à jour un registre des contaminants et des matières dangereuses, identifiés par règlement, qui sont présents dans les établissements de l’employeur.
  • Élaborer et mettre en application un plan d’action en prévention propre à l’établissement comptant moins de 20 travailleurs. Ce plan d’action partage les mêmes objectifs que le programme de prévention.

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

La plupart des modifications proposées quant à la LATMP entreront en vigueur au courant de l’année 2022 et 2023 et toucheront tant l’aspect de l’admissibilité, du maintien à l’emploi que l’aspect administratif de la gestion des lésions professionnelles, tel que les délais pour les demandes de révision des décisions ou les délais permis pour désigner un membre du bureau d’évaluation médicale.

À compter du 6 octobre 2021

Admissibilité

Les grands principes de base de l’analyse de l’admissibilité des lésions professionnelles demeurent inchangés. Par conséquent, la définition d’accident du travail et la présomption de blessure sont maintenues. Toutefois, en ce qui concerne les maladies professionnelles, la venue d’un nouveau règlement au chapitre des maladies professionnelles, lequel remplace l’Annexe 1 de la Loi actuelle, afin d’y inclure une liste exhaustive des maladies et de leurs conditions d’admissibilité devrait voir le jour. Cette liste doit d’ailleurs prévoir l’ajout des maladies de nature psychologique.

Télétravail

Le réaménagement de certaines conditions de travail, notamment en raison de la situation pandémique actuelle, a justifié certains questionnements quant au télétravail. Ainsi, l’emplacement où s’effectue le télétravail est considéré comme un lieu de travail au sens de la Loi et celle-ci s’applique au travailleur ainsi qu’à son employeur, sous réserve des dispositions qui ne seraient pas conciliables.

Imputation des coûts

Malgré les nombreux changements proposés par le gouvernement au sujet de l’imputation des coûts des lésions professionnelles, les différentes consultations ont permis de conserver le statu quo quant à cet aspect.

À compter du 6 octobre 2022

Assignation temporaire

L’utilisation d’un formulaire spécifique établi par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour l’encadrement du processus d’assignation temporaire sera requise et le professionnel de la santé devra l’autoriser et indiquer, en cas de refus, les limitations physiques et psychiques présentées par le travailleur. Des mesures de soutien à l’assignation temporaire favoriseront le maintien à l’emploi des travailleurs accidentés.

Obligation d’accommodement

Afin de faciliter la réintégration d’un travailleur dans son emploi, cette mesure vient bonifier ce qui était déjà prévu en matière de droit au retour au travail en ajoutant une présomption indiquant que l’employeur peut réintégrer un travailleur, et ce, même après l’expiration du délai pour exercer son droit de retour au travail. Pour repousser cette présomption, l’employeur devra faire la démonstration de l’existence d’une contrainte excessive liée à ce retour au travail.

Notons également que dans les cas de non-collaboration de la part de l’employeur, la CNESST serait en droit d’ordonner la réintégration du travailleur dans son emploi, un emploi équivalent ou convenable, et ce, malgré une décision à cet effet de lui payer une sanction administrative pécuniaire.

Nous ne pouvons passer sous silence les dispositions de la Loi qui auront un impact important sur les employeurs, notamment les obligations liées à la création d’un programme de prévention et à la formation d’un comité en santé et sécurité au travail, la bonification des obligations revenant à l’employeur mentionnées à l’article 51 de la LSST, en plus d’apporter d’importants changements dans la gestion des lésions professionnelles. Bien que certaines modifications puissent aider à la prise en charge d’une élimination à la source des dangers dans les milieux de travail, certaines des dispositions viendront malheureusement affaiblir la capacité de gérer le régime.

L’équipe de la santé et sécurité du travail de l’APCHQ vous propose de poursuivre votre réflexion sur le sujet lors d’un webinaire qui aura lieu mardi 26 octobre à 11h. Inscrivez-vous dès maintenant.

À propos de l'auteur

Me Mylene Turcotte-Bureau

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