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Quel carbone est caché dans les matériaux de construction et dans les bâtiments? – Compte-rendu du Forum de Cecobois

Félix Cadotte
Écrit par Félix Cadotte

Crédit photo principale : PhilippeRuelphotographie

Le 28 février dernier avait lieu le premier Forum construction bas carbone et biosourcée organisé par le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (Cecobois), et visant à promouvoir la réduction du carbone intrinsèque dans les bâtiments.  

« Le carbone intrinsèque peut représenter jusqu’à 75 % de l’impact carbone d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie », mentionne Louis Poliquin, directeur de Cecobois.  

Bien consciente de l’importance du carbone intrinsèque, principalement dans le contexte québécois, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) était heureuse de participer à ces deux journées de conférences. 

Carbone opérationnel et carbone intrinsèque, quelle différence? 

Le carbone opérationnel concerne les émissions générées par l’utilisation du bâtiment lui-même. Cela inclut l’énergie et l’eau consommées pour le chauffage, l’éclairage, l’exploitation des équipements et autres besoins opérationnels du bâtiment. Les efforts pour réduire le carbone opérationnel comprennent l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation d’énergies renouvelables. 

Quant à lui, le carbone intrinsèque fait référence aux émissions de gaz à effet de serre associées aux matériaux et aux processus de construction tout au long du cycle de vie d’un bâtiment, incluant la fabrication, le transport, l’installation, l’utilisation et la fin de vie de ces matériaux. Cette notion englobe donc les impacts environnementaux liés aux matériaux, de leur production jusqu’à leur élimination. 

Source : Ressources naturelles Canada – Estimateur d’émissions de carbone des matériaux (E2CM) 

Pour calculer le carbone intrinsèque des matériaux au Québec, l’estimateur d’émissions de carbone des matériaux (E2CM), développé par Ressources naturelles Canada (RNCan), est à ce jour l’outil le mieux adapté au secteur résidentiel. Cet outil est essentiel pour aider les constructeurs à comprendre l’impact du carbone intrinsèque de leurs constructions, en plus de faciliter la prise de décision dans le choix des produits et des matériaux. L’outil d’estimation des émissions GESTIMAT développé par Cecobois est une autre belle option pour les entrepreneurs. Celui-ci est plus adapté aux bâtiments de type commercial et institutionnel, mais peut aussi convenir aux bâtiments résidentiels. 

Pourquoi le carbone intrinsèque est-il si important au Québec? 

Le réseau électrique québécois a une faible intensité de GES par kWh, et c’est la raison pour laquelle le carbone opérationnel a un faible poids dans la balance. À titre d’exemple et selon des données fournies par RNCan, un bâtiment archétype modélisél de deux étages en Nouvelle-Écosse émettrait 13,3 tonnes de CO2 éq./an. Le même bâtiment, cette fois au Québec, émettrait 0,03 tonne par an, soit plus de 400 fois moins de carbone opérationnel que son jumeau en Nouvelle-Écosse.   

En contrepartie, les émissions provenant des matériaux (carbone intrinsèque) pour ce même bâtiment type au Québec s’élèveront à 39,6 tonnes de CO2 éq. Il s’agit d’émissions qui sont rejetées dans l’atmosphère dès le début des projets de construction, avant même d’habiter la maison, comparativement au carbone opérationnel qui s’échelonne sur tout le cycle d’utilisation du bâtiment. 

Dans une perspective de réduction des émissions de GES de 40 % à 45 % d’ici 2030, c’est une évidence que la réduction des émissions liées au carbone intrinsèque est à prioriser. 

La réglementation européenne 

À l’occasion du forum, trois intervenants ont discuté tour à tour des impacts de la réglementation européenne obligeant la réduction du carbone intrinsèque des bâtiments, principalement la réglementation environnementale française RE2020 qui a décidé d’émettre une valeur limite d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette dernière exige maintenant qu’une habitation ne puisse émettre plus de 740 kg CO2 éq./m2 (carbone intrinsèque et carbone opérationnel incluent). Résultat de cette nouvelle exigence : l’utilisation de matériaux biosourcés et le réemploi sont en forte augmentation. Ajoutez à cela la Loi sur l’économie circulaire, il serait maintenant possible de travailler en déconstruction et en valorisation à plus de 90 % sur des quartiers complets. C’est d’ailleurs ce que mentionnait Bunthan IEA du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France. 

Tout semble indiquer que le Québec prendra un chemin similaire à celui de la France dans les prochaines années. Le récent projet de loi 41 sur la performance environnementale des bâtiments, pour lequel l’APCHQ a participé aux consultations publiques, en est une preuve. 

Changements prévus au Code national de l’énergie pour les bâtiments 

Durant une conférence sur la décarbonation à grande échelle du secteur de la construction, Heather Knudsen du Conseil national de recherches Canada (CNRC), a rappelé d’importants changements en 2025 et 2030. 

En 2025, des modifications seront apportées aux codes nationaux du bâtiment et de l’énergie afin d’inclure des exigences relatives au carbone opérationnel et à la source d’énergie utilisée. Pour 2030, des dispositions sont également prévues pour aborder la question du carbone intrinsèque, une composante essentielle dans la réduction de l’empreinte carbone des nouvelles constructions. 

Ces initiatives s’inscrivent dans l’objectif que le Canada s’est fixé, visant une réduction de 40 % à 45 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. 

Des solutions pour réduire le carbone intrinsèque des matériaux  

De la charpente en bois aux produits de finition en bois bruts en passant par l’isolant de cellulose, l’utilisation du bois permet le stockage du carbone séquestré durant la phase de croissance des arbres.   

Le béton représente de manière générale la majeure partie du carbone intrinsèque d’un bâtiment. Réduire la quantité de béton utilisée est donc un moyen efficace de diminuer les émissions de carbone associées aux matériaux.  

De manière générale, comparer différentes méthodes de construction et de choix de matériaux en utilisant un outil d’estimation comme l’estimateur E2CM permet de constater quels éléments de la construction auront le plus grand impact. Utiliser ce type d’outil permet d’obtenir des recommandations claires pour réduire le carbone intrinsèque d’un projet. 

Des matériaux intéressants pour réduire l’empreinte des projets de construction ou de rénovation 

Le SONOclimat ECO4 est un panneau d’isolation fabriqué à Louiseville entièrement de fibres de bois à partir de contenu recyclé à 77 %. Ce panneau est recyclable et fournit une résistance thermique de valeur R4. Il contribue à l’obtention de crédits pour les programmes tels que Novoclimat et la certification LEED. 

Les matériaux à haute teneur en fibres cellulosiques sont intéressants pour diminuer l’impact carbone, car ils captent celui-ci. Pour leur part, certaines mousses plastiques ont une faible empreinte, même si elles ne captent pas le carbone. Ces dernières procureront aussi une meilleure efficacité énergétique, un facteur R plus élevé, contribueront à l’amélioration de l’étanchéité à l’air en plus d’offrir une meilleure résilience aux attaques hydriques comme les inondations et les précipitations. 

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Félix Cadotte

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