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Prix du bois d’œuvre : état de la situation et perspectives

Écrit par Paul Cardinal

Le 1er avril dernier, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a tenu un webinaire* sur le prix du bois d’œuvre en Amérique du Nord.

* Vous pouvez accéder au webinaire au bas de cet article.

Michel Vincent, ingénieur forestier et économiste au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), était le conférencier invité. M. Vincent a dressé le portrait de l’offre et de la demande sur le marché du bois résineux, et s’est prononcé sur l’évolution probable des prix au cours des prochains mois. Voici les principaux éléments dont il a fait part aux quelque 460 participants inscrits.      

Avant tout, il importe de savoir que le marché du bois est nord-américain, ce qui implique que son prix est déterminé par le jeu de l’offre et de la demande à l’échelle de l’Amérique du Nord, de sorte qu’aucune province ou aucun état américain n’a assez de poids pour en influencer le prix.

Avant la pandémie, le prix du colombage de 2×4 de huit pieds avoisinait les 500 $ par millier de pmp (pied mesure de planche). Six mois plus tard, en septembre 2020, celui-ci atteignait quelque 1 250 $. Après un recul qui a duré seulement deux mois, le prix du 2x4x8 s’est envolé de nouveau, à 1 216 $ par millier de pmp en mars 2021. D’abord perçu comme temporaire, le CIFQ explique que plusieurs indicateurs pointent vers une situation où le prix élevé du bois résineux pourrait perdurer.

La demande de bois d’œuvre s’est avérée beaucoup plus forte que prévue depuis le début de la pandémie, à la fois pour la construction et la rénovation résidentielles, et ce, tant aux États-Unis qu’au Québec et en Ontario. Le confinement causé par la pandémie a fait en sorte que les ménages ont drastiquement diminué leur consommation de plusieurs biens et services[1] (loisirs, voyages, restaurants, transports, etc.), et plusieurs ont choisi de rediriger une partie de ce budget en rénovations. En parallèle, les taux hypothécaires ayant atteint de nouveaux creux historiques, l’achat de propriétés a connu un essor soutenu. Le manque de propriétés à vendre sur le marché de la revente a évidemment stimulé la construction neuve. En particulier, en raison des changements dans les préférences des ménages induits par la pandémie, la construction de maisons unifamiliales s’est intensifiée de part et d’autre de la frontière. Or, il faut savoir que ce type d’habitation requiert davantage de bois (environ 15 000 pmp en moyenne) que la construction de logements collectifs.

Du côté de l’offre, le confinement a provoqué l’arrêt des activités de certaines scieries le printemps dernier, notamment au Québec, qui représente 10 % de l’offre de bois de sciage résineux en Amérique du Nord. Un déficit de production de 1,3 milliard de pmp s’est alors créé sur le marché canadien. Les scieries ont retrouvé depuis leur cadence de production, mais les inventaires de bois dans les scieries demeurent à un creux. Il manque de bois au point où, fait rarissime, le Canada devrait devenir importateur net de bois au cours des prochains mois, selon M. Vincent. Puisqu’il y a très peu de possibilités d’augmenter la production à court terme (sauf peut-être dans le nord-est des États-Unis), le bois en provenance de l’Europe devra être mis à contribution.

Le CIFQ prévoit que la demande de bois d’œuvre demeurera soutenue au cours des cinq prochaines années. Aux États-Unis, il y a eu sous-construction au cours de la dernière décennie, et la formation de ménages va s’accélérer chez les 35 à 44 ans. Le télétravail continuera de favoriser la construction de maisons unifamiliales, alors que bon nombre de ménages continueront de délaisser les zones les plus denses au profit des banlieues éloignées et des régions plus rurales. L’écart de prix entre les maisons neuves et les maisons existantes, lorsqu’inférieur à 20 %, comme c’est le cas en ce moment, annonce aussi une hausse des mises en chantier de maisons neuves.    

Le CIFQ croit donc que le prix du bois ne reviendra pas à son niveau prépandémie. Par contre, les prix actuels qui avoisinent les 1 200 $ par millier de pmp semblent également insoutenables. Les prix sont actuellement gonflés artificiellement par la spéculation et la constitution de réserves chez certains grossistes qui craignent une pénurie.

En somme, M. Vincent est d’avis que le prix du bois d’œuvre en Amérique du Nord diminuera probablement d’ici six mois à un an, aux alentours de 800 à 850 $ le millier de pmp.

En conclusion du webinaire, François Bernier, vice-président principal Affaires publiques à l’APCHQ, est venu expliquer que l’Association avait multiplié les communications au cours des derniers mois afin d’informer les consommateurs et les entrepreneurs de la situation. Entre autres, il précise qu’il est conseillé pour un entrepreneur de s’assurer d’avoir une clause dans son contrat qui pourrait être applicable dans ce contexte d’augmentation importante du prix de certains matériaux. Plusieurs contrats de l’APCHQ (ex. : contrat préliminaire, contrat d’entreprise, contrat de sous-traitance), disponibles gratuitement aux membres sur le site web, contiennent d’ailleurs des clauses spécifiques à cet effet. Si un entrepreneur veut insérer une telle clause dans un contrat autre que ceux de l’APCHQ, il est aussi possible de communiquer au besoin avec les Services juridiques de l’Association.

Pour en savoir plus, visionnez le webinaire :



[1] Soutenu par les programmes de soutien des gouvernements, le taux d’épargne des ménages canadiens a même augmenté de manière important au 2e trimestre de 2020.       

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Paul Cardinal

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