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Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles : nouvelles dispositions en vigueur le 6 octobre

Dominic Veillette
Écrit par Dominic Veillette

Le 6 octobre 2022, de nouvelles dispositions légales entreront en vigueur dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), à la suite de la modernisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail qui a eu lieu il y a un an.

Ces modifications législatives touchent certains aspects fondamentaux de notre régime public d’indemnisation.

Assignation temporaire

Un des éléments importants touchés par ces nouvelles obligations concerne l’assignation temporaire. Il est à noter que l’employeur ne pourra assigner temporairement un travailleur s’il n’obtient pas expressément l’autorisation du retour au travail de la part du professionnel de la santé qui a charge du travailleur sur le formulaire prescrit par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)

Par ailleurs, le professionnel de la santé qui a charge du travailleur devra indiquer sur ce formulaire ses constats quant aux limitations fonctionnelles temporaires qui résultent de la lésion professionnelle. Cette indication de restrictions fonctionnelles freinant le retour au travail régulier permet d’adapter, de modifier ou de bonifier la demande d’autorisation d’assignation temporaire d’un travail par l’employeur, aux fins d’une autorisation ultérieure. Les informations transmises par le professionnel de la santé qui a charge du travailleur, incluant l’émission des limitations fonctionnelles temporaires, ne donnera pas ouverture à une contestation au Bureau d’évaluation médicale (BEM) ou auprès des autres instances.

En cas de refus de la part du professionnel de la santé qui a charge du travailleur, l’employeur pourra revoir les tâches offertes en assignation temporaire, en tenant compte des restrictions émises, et en produire une nouvelle, et ce, jusqu’à l’obtention de l’autorisation du retour au travail par le médecin du travailleur. Le nouveau formulaire permettra de soumettre deux assignations temporaires distinctes au cas où la première proposition serait refusée par le professionnel de la santé qui a charge du travailleur.  

Dans ce contexte, l’employeur doit verser au travailleur qui fait le travail assigné temporairement le salaire et les avantages liés à son emploi et dont il bénéficierait s’il avait continué à l’exercer.

Cependant, si le nombre d’heures assignées ou autorisées est inférieur à celui de l’emploi régulier du travailleur, l’employeur devra choisir la modalité de versement du salaire parmi les suivantes :

  • Payer entièrement le salaire et les avantages de l’emploi régulier du travailleur. Suivant cette option, l’employeur peut demander à la Commission de se faire rembourser le salaire net versé au travailleur pour les heures payées, mais non travaillées, jusqu’à concurrence du montant d’indemnité de remplacement du revenu (IRR) auquel a droit le travailleur s’il n’était pas en assignation temporaire. Pour ce faire, l’employeur devra déclarer les heures à la CNESST dans les 90 jours de la fin d’une période de paie.
  • Payer uniquement le salaire et les avantages liés à l’emploi pour les heures de travail que comporte l’assignation temporaire. Par conséquent, la CNESST comblera la différence entre le montant de l’IRR auquel il a droit n’eut été de l’assignation temporaire et le salaire net versé par l’employeur en fonction du nombre d’heures travaillées.

Dans les deux cas, le montant versé au travailleur constitue des indemnités de remplacement du revenu ou des prestations de réadaptation. L’employeur devra indiquer son choix de versement sur le nouveau formulaire d’assignation temporaire.

Les deux options de versements du salaire au travailleur semblent à première vue similaires. Dans le premier cas, l’employeur pourra se faire rembourser les heures non travaillées, alors que suivant la deuxième option, la Commission versera obligatoirement le manque à gagner au travailleur.

Toutefois, l’employeur est limité qu’à une seule modification de l’option de versement du salaire au cours de la même assignation temporaire. Ce faisant, celui-ci devra faire un choix judicieux des conséquences financières possibles en prenant en considération l’évolution anticipée de la lésion professionnelle et le moment où les IRR sont versées (ex. : Trimestre 8).      

Mesures de réadaptation et obligation d’accommodement raisonnable

Même si dans certains cas la CNESST prenait des mesures de réadaptation avant la consolidation d’une lésion professionnelle, elle en a désormais les droits d’un point de vue légal, et ce, dès l’admissibilité de la réclamation. Les mesures de réadaptation avant la consolidation d’une lésion professionnelle visent à favoriser l’autonomie et le retour au travail des travailleurs victimes d’une lésion professionnelle. Pour ce faire, la CNESST devra compter sur la collaboration du travailleur et de l’employeur. Par conséquent, elle devra mettre en œuvre chez ce dernier des mesures visant la réintégration du travailleur en développant sa capacité de travail dans son emploi.

En fonction de la gravité d’une blessure, la CNESST pourrait mettre en œuvre un plan individualisé de réadaptation en octroyant au travailleur des mesures requises par son état.  Toutefois, avant d’accorder ou de mettre en œuvre une mesure de réadaptation, elle devra soumettre celle-ci au professionnel de la santé qui a charge du travailleur, sauf si ladite mesure n’a pas d’incidence sur l’état de santé de ce dernier. Ces mesures pourraient se poursuivre dans le plan individualisé de réadaptation après la consolidation de la lésion professionnelle.

Dans ce contexte, la CNESST a élargi sa palette d’interventions possibles en matière de réadaptation professionnelle pour les travailleurs ayant une atteinte permanente à leur intégrité physique ou psychique, ou dans les cas où la Commission croit vraisemblablement que la lésion va engendrer des séquelles permanentes, et ce, avant même que celle-ci soit consolidée. Ce plan s’effectue avec la collaboration du travailleur et de l’employeur, si sa participation est requise.

Même si le droit de retour au travail est expiré, la CNESST pourra exiger, auprès des différentes parties prenantes au dossier, des renseignements ou des documents nécessaires à la détermination de la capacité du travailleur à réintégrer un emploi chez l’employeur. Par conséquent, la Commission peut exiger :

  • d’avoir accès au poste de travail afin d’évaluer la capacité de travail du travailleur;
  • d’avoir accès à une description détaillée du poste;
  • de déterminer la possibilité d’adaptation ou de réorganisation du travail.

Dans ce contexte, la CNESST prépare et met en œuvre un programme de réadaptation professionnelle avec la collaboration du travailleur et de l’employeur. Il est à noter que l’aménagement des tâches et la modification de l’horaire de travail ou de l’organisation du travail pourraient être pris en considération si ces mesures ne dénaturent pas l’emploi. 

L’employeur doit collaborer à la mise en œuvre des mesures de réadaptation, sous réserve de la démonstration d’une contrainte excessive (LATMP, art. 170.2). Autrement, l’employeur sera réputé pouvoir reprendre en emploi le travailleur.

Dans le cas où l’employeur refuserait de collaborer ou de se conformer à ses obligations légales en la matière, ce dernier pourrait se voir imposer une sanction administrative pécuniaire par la CNESST.

Soutien en recherche d’emploi et accompagnement

Dans les cas où un travailleur victime d’une lésion professionnelle ayant généré des limitations fonctionnelles permanentes ne lui permettent pas de réintégrer son emploi habituel ou convenable chez son employeur, la CNESST pourra mettre en œuvre des services de recherche d’emploi et d’accompagnements variés afin qu’il puisse retourner sur le marché du travail dans un emploi qui respecte ses restrictions fonctionnelles. Parmi les mesures de soutien et d’accompagnement en recherche d’emploi, notons par exemple des services d’aide-conseil en recherche d’emploi, d’aide à la rédaction d’un curriculum vitæ, d’information sur le marché du travail, d’élaboration de stratégies et de techniques de recherche d’emploi, etc.

Même si la CNESST, dans certains cas, offrait déjà ce genre de soutien et d’accompagnement, elle a désormais l’obligation d’offrir ces services et le travailleur devra y participer activement.  Autrement, celui-ci pourrait voir ses indemnités de remplacement du revenu réduites ou suspendues.

Droit de retour au travail

En matière du droit de retour au travail, l’article 240 de la LATMP prévoyait déjà que l’employeur doit maintenir l’emploi à la disposition du travailleur pour une période de :

  • un an si l’établissement a 20 travailleurs et moins;
  • deux ans si l’établissement a 21 travailleurs et plus.

À compter du 6 octobre 2022, un ajout à cette disposition stipule que si une convention collective prévoit un droit de retour au travail plus étendu que celui prévu dans la LATMP, c’est cette disposition qui est applicable.

Par ailleurs, jusqu’à ce que la CNESST se prononce sur la réintégration du travailleur chez son employeur, le travailleur victime d’une lésion professionnelle continue d’accumuler de l’ancienneté et des années de service continu au sens de la convention collective lui étant applicable, le cas échéant, ou au sens de la Loi sur les normes du travail. Il en va de même de sa participation aux régimes de retraite et d’assurances offerts par son employeur si le travailleur continue de payer sa part des cotisations exigibles, s’il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

Bureau d’évaluation médicale

Dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue dans la LATMP, le membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM) pourra se prononcer sur la date de consolidation de la lésion professionnelle s’il considère qu’elle ne requiert plus de soin ni de traitement. Dans le même ordre d’idée, s’il consolide la lésion professionnelle, il devra se prononcer sur l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur, ainsi que sur l’existence et l’évaluation de ses limitations fonctionnelles, lorsque cette atteinte ou ces limitations n’ont pas été préalablement déterminées.

Nous connaissons ces nouvelles dispositions légales depuis près d’une année. Cependant, leurs mises en application par la CNESST devront être suivies de près afin d’évaluer si elles correspondent à l’interprétation qu’en feront les différentes parties prenantes. Il en va de même pour le Tribunal administratif du travail (TAT) en cas de litige.

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