Droit de la construction Lois et règlements

Résiliation unilatérale d’un contrat d’entreprise par un client: que pouvez-vous réclamer?

Qui, comme entrepreneur, n’a pas déjà reçu un appel téléphonique, un courriel, un texto ou une correspondance d’un client qui l’informait de sa décision de résilier un contrat d’entreprise[1]? Pourtant, aucun reproche ne vous avait été formulé quant à l’exécution des travaux. Dans ce contexte, le client peut-il résilier unilatéralement un contrat d’entreprise[2]? Et dans l’affirmative, qu’est-ce qu’un entrepreneur peut lui réclamer?

Le client a le droit de résilier unilatéralement un contrat d’entreprise, et ce, même si la réalisation de l’ouvrage a déjà été entreprise[3]. Il peut exercer ce droit en tout temps, à sa discrétion, en conformité avec les exigences de la bonne foi. De plus, il n’a pas à donner de motif, ni à transmettre de mise en demeure, ou encore à démontrer une quelconque faute de l’entrepreneur.

Lors de la résiliation d’un contrat d’entreprise, le client doit payer à l’entrepreneur, en proportion du prix convenu, les frais et dépenses encourus, la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation, ainsi que la valeur des biens fournis[4].

  • Les frais ou dépenses actuels

Il peut s’agir du coût d’un permis de construction délivré par une municipalité. Cela pourrait également inclure des dépenses reliées à la livraison de matériaux qui ont été engagées par l’entrepreneur[5].

  • La valeur des travaux exécutés

La valeur des travaux exécutés peut être établie en fonction du pourcentage d’avancement des travaux par rapport au prix total du contrat. Les tribunaux enseignent qu’il appartient à l’entrepreneur de prouver cette valeur des travaux exécutés, et ce, peu importe le type de contrat liant les parties[6]. La prise de photographies pourrait permettre de prouver la justesse du pourcentage de l’avancement des travaux[7].

Par ailleurs, un client pourrait déduire du prix à payer la dépréciation qui découle d’une mauvaise qualité des travaux ou le coût qu’il a dû payer pour faire effectuer les travaux correctifs[8]. Autrement dit, cette valeur des travaux exécutés doit être appréciée en fonction du degré d’avancement de ceux-ci et de leur qualité[9].

  • La valeur des biens fournis

Un client doit payer les biens qui ont été incorporés dans un ouvrage, de même que ceux qui ne peuvent être remis ou utilisés par un entrepreneur.

Également, à la suite de la résiliation unilatérale du contrat d’entreprise, le client est tenu d’indemniser l’entrepreneur pour le préjudice subi[10].

  • Le préjudice

Cette notion de préjudice doit être interprétée restrictivement, car un client a le droit de résilier unilatéralement un tel contrat. C’est pourquoi l’entrepreneur ne peut lui réclamer le solde du prix d’un contrat ou la perte d’un profit éventuel ou futur. En revanche, il peut réclamer le profit perdu pour les travaux déjà exécutés[11].De plus, l’entrepreneur peut être indemnisé pour des débours encourus, par exemple, la location d’une machinerie ou d’un équipement particulier ou encore, l’engagement de personnel spécialisé qui ne peut être mis à pied sans préavis[12].

Par ailleurs, l’entrepreneur doit restituer au client les avances qu’il a reçues en excédent de ce qu’il a gagné[13].

Enfin, le droit du client de résilier unilatéralement un contrat d’entreprise lui confère un avantage important. L’entrepreneur a intérêt à être diligent lorsqu’il exécute des travaux de construction en lien avec un ouvrage. Il doit s’assurer de les réaliser conformément au contrat, aux usages et aux règles de l’art[14]. Dans l’éventualité d’une réclamation litigieuse, les tribunaux pourraient tenir compte de la qualité des travaux effectués.

Si vous avez des questions en matière de contrat d’entreprise, nous vous invitions à communiquer avec les Services juridiques de l’APCHQ aux numéros suivants : 438 315-6888 ou 1 800 468-8160.


[1] Dans ce texte, nous ne discuterons pas de la possibilité pour un client de renoncer à son droit de résilier unilatéralement un contrat d’entreprise ou d’assujettir l’exercice de ce droit à certaines conditions, ainsi que celle pouvant impliquer l’insertion d’une clause pénale dans un tel contrat. Consulter l’article Résiliation unilatérale d’un contrat d’entreprise, est-ce possible?

[2] Article 2098 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.): Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

[3] Article 2125 C.c.Q. 

[4] Article 2129 (1) C.c.Q.

[5] 167190 Canada inc. (Pacific National Construction) c. Dubé, 2007 QCCS 941, par. 73 et 77.

[6] Argiris c. Entreprises Tectonica Inc., 2015 QCCA 161, par.11.

[7] Construction Serafini Inc. c. Cho, 1991 CanLII 2981 (QC CA).

[8]Dubé Entreprises Inc. c. Bétie, 2023 QCCQ 3244, par. 132 (ci-après jugement Bétie); Bouchard c. Ébénisterie Jean Dufresne Inc., 2009 QCCQ 7480, par. 124-125;Lasalle c. Bruneau, 2007 QCCQ 7097, par. 35 à 40.

[9] Jugement Bétie, par. 133.

[10] Article 2129 (3) C.c.Q.

[11] Bruneau Électrique Inc., c. Groupe Roger Faguy Inc., 2019 QCCA 1670, par.18.

[12] Pelouse agrostis turf c. Club de golf Balmoral, 2003 CanLII 2728 (QC CA), par. 20.

[13] Article 2129 (2) C.c.Q.

[14] Article 2100 C.c.Q.

À propos de l'auteur

Me Martin Villa et Me Marc Bergeron

Me Martin Villa et Me Marc Bergeron

Laissez un commentaire

Restez informé!

Recevez chaque mois, par courriel, les nouveautés du blogue et les dernières actualités de l’industrie.