Droit de la construction Lois et règlements

Quel type de contrat avez-vous utilisé?

Un entrepreneur conclut un contrat d’entreprise[1] avec un client pour agrandir son immeuble à logements. Les travaux se déroulent bien et l’entrepreneur transmet une dernière facture d’un montant de 20 000 dollars.

Le client conteste et prétend que celle-ci dépasse l’estimation qui lui a été fournie. Selon lui, les parties ont conclu un contrat sur estimation. Quant à l’entrepreneur, celui-ci est d’avis que l’estimation n’est qu’un guide. Il considère que la facture découle plutôt d’un contrat à coût majoré. L’entrepreneur décide de poursuivre le client afin d’être intégralement payé. Son recours est-il légitime? Quels sont les contrats d’entreprise qui déterminent le prix d’un ouvrage?

Le prix de l’ouvrage

Le prix de l’ouvrage ou du service est déterminé par le contrat, les usages ou la loi, ou encore d’après la valeur des travaux effectués ou des services rendus[2].

Le contrat sur estimation

En principe, le contrat sur estimation découle d’une entente au sujet du prix des travaux à réaliser, et ce, à la suite d’une estimation fournie par l’entrepreneur[3]. Ce contrat repose sur la volonté du client à ce que les travaux soient réalisés en fonction de son budget. Dans ce contexte, il arrive que l’entrepreneur visite les lieux, prenne des mesures et le cas échéant, consulte des entrepreneurs spécialisés afin de lui soumettre une soumission.

Pour obtenir une augmentation du prix, l’entrepreneur doit prouver que des travaux additionnels étaient requis et que ceux-ci ont été demandés par le client. Ou encore, il doit établir que des travaux ou des dépenses n’étaient pas prévisibles pour lui au moment de la conclusion du contrat. Par exemple, pour rénover une résidence, des travaux supplémentaires s’avèrent nécessaires, car les plans transmis par l’architecte du client ne respectent pas la configuration du bâtiment.

Le contrat à coût majoré

Dans le cadre d’un contrat à coût majoré, les tribunaux enseignent que les parties conviennent que le prix varieraen fonction des coûts des travaux réalisés, des services rendus ou des biens fournis, auxquels on ajoute un montant, souvent un pourcentage des coûts, pour profit et administration[4]. À la demande du client, l’entrepreneur doit lui rendre compte de l’état d’avancement des travaux et des dépenses qui ont été faites[5]. Le défaut de respecter cette obligation de reddition de compte peut compromettre une réclamation d’un entrepreneur.

En principe, ce type de contrat est privilégié lorsque le prix de l’ouvrage ne peut être déterminé d’avance par l’entrepreneur. Par exemple, en raison de l’ampleur des travaux à exécuter ou des imprévus pouvant survenir lors de la réalisation des travaux. Il appartient donc au client d’assumer les risques reliés aux coûts de l’ouvrage.

En revanche, l’entrepreneur a une obligation d’information envers le client[6].Ce derniera droit à une estimation approximative des coûts du projet[7]. Dans ce contexte, l’entrepreneur doit prendre tous les moyens nécessaires et raisonnables pour exécuter les travaux en fonction de l’estimation transmise. Celle-ci est considérée par le client lorsqu’il conclut un contrat à coût majoré[8].

Le contrat à forfait

Lorsque le contrat est à forfait, les travaux doivent être exécutés ou les services rendus en fonction d’un prix fixe[9].  Ce contrat demande à l’entrepreneur une connaissance adéquate des travaux à réaliser, des matériaux à fournir ainsi que leurs coûts. De plus, il doit être en mesure de contrôler l’exécution des travaux sur un chantier afin d’éviter des dépassements de coûts.

L’entrepreneur doit respecter le prix convenu, et ce, même si les conditions d’exécution diffèrent de celles qui avaient été anticipées.

Cependant, le prix peut être modifié lorsque le client demande l’exécution de travaux additionnels qui ne sont pas prévus au contrat[10]. De même, en cas d’imprévus, si le contrat prévoit une clause en ce sens[11].

La qualification du contrat

En cas de litige relativement au prix d’un ouvrage, les tribunaux tenteront de cerner l’intention des parties pour déterminer la nature du contrat. Ils examineront un ensemble d’éléments, notamment : les circonstances, la conduite des parties, les documents   communiqués entre elles (ex. : soumission, courriels, factures) et les termes du contrat, lorsque celui-ci est constaté par écrit[12].

La conclusion

L’entrepreneur doit connaître ou se familiariser avec les règles régissant les contrats d’entreprise. Il doit opter pour le contrat qui se concilie le mieux avec les circonstances et les intérêts du client. De plus, il doit l’informer adéquatement quant à la nature du contrat applicable, des travaux à réaliser, des matériaux à fournir et du prix de l’ouvrage.

Un contrat écrit qui contient des renseignements pertinents et qui décrit clairement les obligations des parties est fortement recommandé. Cela favorise le lien de confiance entre elles, permettant ainsi de prévenir un litige quant au prix d’un ouvrage.

Si vous avez des questions en matière de contrat d’entreprise, nous vous invitons à communiquer avec les Services juridiques de l’APCHQ aux numéros suivants : 438 315-6888 ou 1 800 468-8160.


[1] Article 2098 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.): Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

[2] Article 2106 C.c.Q.

[3] Article 2107 C.c.Q.

[4] Voir: Tuson c. 6464165 Canada Inc. (GPL Construction), 2020 QCCS 3887, par. 20. (ci-après jugement Tuson)

[5] Article 2108 C.c.Q.

[6] Article 2102 C.c.Q.

[7] 2949-8730 Québec Inc. c. Fiducie Labonté – Marquis 2011, 2018 QCCS 5227, par. 68.

[8] Couto c. Côté, 2005 CanLII 123 (QC CS), parag. 49-50; Berselli c. Désy & Meunier Construction Rénovation Inc., 2021 QCCQ 5888, par. 30.

[9] Article 2109 C.c.Q.

[10] Jugement Tuson, par. 22.

[11] Procureur général du Québec c. Opron Inc. 2022 QCCA 98, par. 40.

[12] Steveric Construction Inc. c. Savard, 2022 QCCS 2839, par.40; Jugement Tuson, par. 24-25.

À propos de l'auteur

Me Martin Villa et Me Marc Bergeron

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