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Matières résiduelles : dois-je obtenir une autorisation ministérielle?

Me Martin Villa
Écrit par Me Martin Villa

Un entrepreneur effectue des activités de récupération, de triage et de stockage des débris de construction situés sur son lot. Ensuite, il redirige ces débris vers des sites autorisés pour qu’ils puissent être éliminés[1] ou valorisés[2].

Lors d’une visite, un inspecteur du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (ci-après ministère) constate la présence de plusieurs amas de résidus de bois, du métal, des briques, ainsi que plusieurs morceaux de bardeaux d’asphalte et de toiture qui jonchent le sol.

Selon l’inspecteur, ces débris sont des matières résiduelles au sens de la Loi sur la qualité de l’environnement[3] (ci-après LQE). De plus, il réalise que l’entrepreneur n’a toujours pas obtenu une autorisation ministérielle pour exercer ces activités à des fins de valorisation, et ce, malgré une correspondance lui demandant de l’obtenir. L’entrepreneur reçoit un avis de non-conformité du ministère et régularise ensuite la situation. Cet avis de non-conformité est-il légitime? Dans l’affirmative, quel type de sanction l’entrepreneur s’expose-t-il à recevoir?

Matières résiduelles

Les débris de construction constituent des matières résiduelles suivant la LQE. Cette notion de matières résiduelles doit être interprétée d’une manière large, car elle inclut tous les cycles de vie d’une matière résiduelle[4].

La LQE prévoit deux catégories de matières résiduelles, soit celles destinées à être éliminées et celles pouvant être valorisées. Des résidus de bois, sans valeur et sans utilité, qui seraient traités pour être éliminés correspondent à la première catégorie. Toutefois, des morceaux d’acier réemployés ou réutilisés pour fabriquer des produits de tuyauterie appartiennent à la deuxième catégorie.

Autorisation ministérielle

En principe, un entrepreneur qui désire exercer des activités comme la récupération, le traitement et le stockage de débris de construction à des fins de valorisation doit obtenir une autorisation ministérielle en vertu de la LQE[5]. Celle-ci doit être interprétée de manière à favoriser le plein épanouissement du droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à sa sauvegarde[6].

Sanction

L’entrepreneur qui effectuerait des activités mettant en cause des matières résiduelles à des fins de valorisation, et ce, sans détenir l’autorisation ministérielle suivant la LQE, s’expose à une sanction administrative pécuniaire[7]. Celle-ci constitue une sanction monétaire issue d’un processus administratif. Elle vise à promouvoir le respect de la loi, à assurer un retour rapide à la conformité et à dissuader la répétition de manquements.

Ce processus administratif implique l’envoi d’un avis de non-conformité par le ministère. Celui-ci informe un administré du manquement constaté[8]. Par la suite, un avis de réclamation lui est transmis, indiquant le montant exigé et les motifs du ministère. L’administré peut demander un réexamen de la décision au Bureau de réexamen des sanctions administratives pécuniaires. Si la sanction est maintenue, l’administré peut en appeler de cette décision auprès du Tribunal administratif du Québec[9].

Conclusion

Un entrepreneur doit être diligent et s’intéresser à la protection de l’environnement. Une autorisation ministérielle peut être requise si un projet implique des activités présentant un risque environnemental. Aussi, la LQE prévoit plusieurs activités soumises à une autorisation ministérielle. Le droit de l’environnement est un domaine complexe et très réglementé. Au besoin, il est recommandé de consulter des juristes spécialisés dans ce secteur du droit.


[1] La Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q-2, ci-après LQE) définit la notion « élimination de matières résiduelles » à son article 1 : toute opération visant le dépôt ou le rejet définitif de matières résiduelles dans l’environnement, notamment par mise en décharge, stockage ou incinération, y compris les opérations de traitement ou de transfert des matières résiduelles effectuées en vue de leur élimination ».

[2] La LQE traite à son article 1 de la notion de « valorisation de matières résiduelles » : toute opération visant, par le réemploi, le recyclage, le traitement biologique, dont le compostage et la biométhanisation, l’épandage sur le sol, la régénération, ou par toute autre action qui ne constitue pas de l’élimination, à obtenir à partir des matières résiduelles des éléments ou des produits utiles ou de l’énergie.

[3] Le concept de « matière résiduelle » est défini à l’article 1 de la LQE comme suit : tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau ou produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon.

[4] Sanitaires M. Leduc Inc. c. Québec (Développement durable, Environnement, Faune et Parcs), 2022 CanLII, 18011 (QC TAQ), par. 17.

[5] Article 22 al.1 (8) LQE. [..] nul ne peut, sans obtenir au préalable une autorisation du ministre, réaliser un projet comportant l’une ou plusieurs activités suivantes : l’établissement et l’exploitation d’une installation de valorisation de matières résiduelles, incluant toute activité de stockage et de traitement de telles matières aux fins de leur valorisation. Par ailleurs, selon les circonstances, des activités peuvent être admissibles à une déclaration de conformité (risque environnemental faible) ou être exemptées d’une autorisation (risque environnemental négligeable). À cet effet, voir le lien: Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE) (gouv.qc.ca).

[6] Procureure générale du Québec (ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs) c. 3563308 Canada Inc. (Héritage Terrebonne), 2018 QCCA 48, par. 92.

[7] Dans ce texte, nous traitons uniquement de la sanction administrative pécuniaire et référons à l’article 115.25 (2) LQE. Toutefois, selon certaines circonstances, une poursuite pénale peut être privilégiée. Dans ce contexte, la sanction est une amende en cas de transmission d’un plaidoyer de culpabilité ou d’un jugement de culpabilité rendu par un tribunal contre un accusé.

[8]  Brais c. Tribunal administratif du Québec, 2022 QCCS 95, par. 88.

[9] Mario et François Quintal Inc. c. Procureur général du Québec (ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques), 2023 QCCS 628; Club de Tir de l’Acadie c. Tribunal administratif du Québec, 2020 QCCS 2664, par. 20.

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