Lois et règlements

Atteinte à votre réputation : pouvez-vous être compensé.e?

Un client est mécontent de votre décision de résilier un contrat d’entreprise conclut pour la rénovation d’un immeuble à logements. Il écrit sur sa page Facebook que vous-même et votre compagnie êtes des personnes « incompétentes » et « malhonnêtes ». De plus, il invite le public à ne pas vous engager et vos clients à annuler leur contrat.

En tant qu’entrepreneur responsable, vous estimez que votre décision de résilier le contrat était justifiée. Ce client s’immisçait constamment dans l’exécution des travaux et refusait de collaborer.

Vous lui transmettez une mise en demeure pour qu’il retire ses propos diffamatoires, à défaut de quoi, vous intenterez une poursuite contre lui. Il vous répond qu’il a le droit de s’exprimer et que le public se doit d’en être informé. Dans ce contexte, pouvez-vous exercer un recours pour atteinte à votre réputation et celle de votre entreprise et le cas échéant, obtenir une compensation monétaire? 

Le droit à la réputation

Toute personne a droit à la protection de sa réputation[1], incluant la personne morale. L’auteur de propos diffamants engage sa responsabilité civile[2]. La liberté d’expression n’est pas absolue. Pour obtenir une compensation monétaire, l’entrepreneur doit prouver qu’une personne a commis une faute et qu’il a subi un préjudice en raison de cette faute.

Les tribunaux reconnaissent des situations susceptibles d’engager la responsabilité civile d’une personne qui tient des propos diffamatoires à l’égard d’autrui, à savoir :

  • émettre des propos désagréables, alors qu’on les sait faux avec une intention de nuire;
  • diffuser des choses désagréables, alors qu’on ne peut ignorer leur fausseté;
  • tenir des propos défavorables qui sont véridiques, mais rendus sans motif juste ou sans intérêt public[3].

Pour déterminer si des propos sont diffamatoires, une norme objective est utilisée par les tribunaux. Celle-ci consiste à se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. Des propos peuvent être diffamatoires en raison de l’idée qu’ils expriment ou des insinuations qui s’en dégagent[4].

Les dommages

Un entrepreneur qui subirait un préjudice en raison de propos diffamatoires tenus par une personne peut être indemnisé par un tribunal. Selon les circonstances, différents types de dommages peuvent être réclamés[5].

  • Les dommages pour pertes pécuniaires

Une compensation monétaire peut être accordée s’il est démontré que les propos diffamatoires ont entraîné une perte de contrats, d’occasions de soumissionner, de revenus ou  de profits[6].

  • Les dommages moraux

Un tribunal peut dédommager une personne physique qui subit des dommages moraux. Il peut s’agir de propos diffamatoires qui, par exemple, font perdre de l’estime de soi, causent de l’humiliation ou encore de l’anxiété[7].

Les tribunaux reconnaissent qu’une personne morale peut être indemnisée pour des dommages moraux. Toutefois, considérant qu’elle n’a pas de sensibilité, d’émotivité et de vie privée[8], les montants accordés à son égard sont moins élevés, comparativement à ceux pouvant être attribués à une personne physique.

Pour quantifier les dommages moraux subis par une personne, les tribunaux tiennent compte de plusieurs facteurs. Chaque cas est un cas d’espèce. Ces facteurs peuvent comprendre, notamment, la nature et la gravité des propos diffamatoires, l’intention de l’auteur, leurs conséquences sur la personne diffamée, la durée de la publication, le moyen de diffusion (ex. : Facebook), l’identité ou le nombre de personnes qui ont pris connaissance des commentaires diffamatoires et leurs effets sur celles-ci (ex. : des internautes qui cliquent « j’aime ») [9].

  • Les dommages-intérêts punitifs

Lorsque l’auteur des propos diffamatoires a voulu les conséquences de son comportement fautif ou ne pouvait les ignorer considérant la nature et la gravité des propos en cause[10], des dommages-intérêts punitifs peuvent être accordés par un tribunal. Ceux-ci ne visent pas à indemniser une personne pour le préjudice subi, mais plutôt à punir un comportement répréhensible et à dissuader son auteur de récidiver.

La conclusion

Tout entrepreneur a droit à la protection de sa réputation. Ce droit concerne, notamment, les propriétaires d’entreprise, les dirigeants, les administrateurs ainsi que les personnes morales. En cas d’atteinte à la réputation d’une personne, des mesures immédiates doivent être prises pour la faire cesser. Selon les circonstances, une poursuite civile peut être intentée contre l’auteur de propos diffamants. Au besoin, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en responsabilité civile.


[1] Nous référons aux articles 3 et 35 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q) ainsi qu’à l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, chapitre C-12. (Ci-après Charte).

[2] Article 1457 C.c.Q.

[3] Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663.

[4] Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR Inc., [2011] 1 R.C.S. 214.

[5] Articles 1607 et 1621 C.c.Q.

[6] J.M. Poirier Excavation et Mini Inc., c. Dupuis, 2023 QCCQ 4184, par.92; 9353-0913 Québec Inc. c. Paré, 2019 QCCQ 4324, par. 54; GMR inc. c. Gagnon, 2017 QCCQ 11807, par. 79; Bellemare c. Bernard, 2017 QCCQ  6925, par. 16.

[7] Distributions Lancelot Inc. c. Labonté, 2007 QCCS 1888, par. 103.

[8] Enerkem inc., c. Constructions EDB Inc., 2022 QCCS 371, par. 105.

[9] Lalli c. Gravel, 2021 QCCA 1549, par. 99; Digital Shape Technologies Inc. c. Walker, 2018 QCCS 4374, par. 109; J.M. Poirier Excavation et Mini Inc., c. Dupuis, 2023 QCCQ 4184, par.106; 9166-8202 Québec Inc. c. Masson, 2022 QCCQ 6311,par. 132; 9353-0913 Québec Inc. c. Paré, 2019 QCCQ 4324, par. 54-58.

[10] Voir les articles 49 (2) de la Charte et 1621 C.c.Q.

À propos de l'auteur

Me Martin Villa et Me Marc Bergeron

Me Martin Villa et Me Marc Bergeron

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