Actualités Nouvelles économiques

Le Québec souffre d’un déficit structurel de quelque 100 000 habitations

Paul Cardinal
Écrit par Paul Cardinal

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a récemment publié une étude évaluant l’ampleur de la pénurie d’habitations au Québec à environ 100 000 unités faute d’avoir construit suffisamment de logements au cours des dernières années.

Ce résultat a été obtenu en simulant un rééquilibrage du marché de la revente (ratio inscriptions/vente de 9), un rééquilibrage du marché locatif privé (taux d’inoccupation de 3 %) et en ramenant à zéro le nombre de ménages inscrits sur la liste d’attente d’un logement social auprès de la Société d’habitation du Québec (SHQ).

La pénurie de logements pour propriétaires-occupants 

La surchauffe et l’augmentation effrénée des prix sur le marché immobilier québécois sont la conséquence directe de la rareté de propriétés à vendre par rapport à la demande au cours des dernières années, et la pandémie n’a fait qu’exacerber la situation. Le prix moyen des propriétés au Québec, toutes catégories confondues, a crû de 16 % en 2020, pour ensuite progresser d’un autre 19 % en 2021, soit la plus forte hausse de prix jamais enregistrée depuis que les chambres immobilières compilent ces données[1]. Le cruel manque d’habitations à vendre se reflète par un creux historique du ratio inscriptions/vente de 2,8 à l’échelle de la province à la fin de 2021.

Afin de rééquilibrer le marché de la revente, il faudrait un ratio inscriptions/vente (I/V) entre 8 et 10. En prenant le point milieu, c’est-à-dire un ratio I/V de 9, il manquait quelque 58 000 propriétés offertes sur le marché.

La pénurie de logements locatifs

Un taux d’inoccupation de 3 % est habituellement considéré comme le seuil d’équilibre du marché locatif. Or, cela fait maintenant quatre ans que le taux d’inoccupation des logements locatifs d’initiative privée au Québec est inférieur à ce seuil, ce qui témoigne d’une pénurie à cet effet. En conséquence, on observe des augmentations de loyer plus soutenues. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime les variations du loyer moyen au Québec à 3,7 % en 2020 et à 3,6 % en 2021.

Pour résorber la pénurie et, du même coup, enlever de la pression sur les loyers, l’offre doit nécessairement augmenter. Bien que l’évolution récente des mises en chantier au Québec laisse voir une forte accélération de la construction locative, cela ne semble pas encore suffisant.

À partir des résultats détaillés de la dernière enquête de la SCHL effectuée en octobre 2021, l’APCHQ a estimé combien il aurait fallu de logements locatifs supplémentaires pour ramener le taux d’inoccupation sur le marché locatif privé à 3 %.

L’analyse laisse voir qu’il manquait environ 15 000 logements locatifs au Québec à la fin de 2021.

La pénurie de logements sociaux

Les chiffres avancés jusqu’ici portaient uniquement sur les logements du marché privé. Il faut aussi considérer le déficit de logements sociaux. À cet effet, l’APCHQ s’est simplement référée au nombre de ménages en attente d’un HLM public ou son équivalent (logement admissible au Programme de supplément au loyer). Selon la SHQ, au 31 décembre 2020, cette liste d’attente s’élevait à un peu plus de 37 000 ménages au Québec.

Un ordre de grandeur et non un chiffre exact

Finalement, en considérant les déficits en logements sociaux, en logements locatifs privés et en habitations pour propriétaires-occupants, l’analyse de l’APCHQ laisse voir un manque à gagner d’environ 110 000 unités. Il est important de noter qu’il s’agit d’un ordre de grandeur et non d’un chiffre exact. Or, puisqu’il s’agit d’un chiffre indicatif, pour simplifier, situons la pénurie d’habitations au Québec aux alentours des 100 000 unités.  

Tout un défi à relever

Un constat simple s’impose de lui-même : il faut absolument augmenter rapidement l’offre de logements au Québec. Au cours des prochaines années, il faudra non seulement construire des logements pour répondre aux besoins futurs, mais aussi construire suffisamment pour combler ce déficit structurel de plus de 100 000 habitations.

Si le Québec se fixe pour objectif de faire ce rattrapage par exemple sur dix ans, on devra mettre en chantier en moyenne annuellement 10 000 logements de plus que ce qui est projeté au chapitre de la formation de ménages, et ce, durant toute la prochaine décennie.                  

Il s’agit d’un objectif ambitieux dans la mesure où trois obstacles se dressent devant nous. Premièrement, le secteur de la construction manque de main-d’œuvre et le problème ne fera que s’accentuer si rien n’est fait. Deuxièmement, la pandémie a créé des problèmes d’approvisionnement et fait augmenter les coûts de construction comme jamais auparavant, dans la foulée de l’explosion du prix de plusieurs matériaux et des frais de transport. Cela s’est traduit par une hausse de 17 % du prix d’une maison neuve au Québec en 2021. Cette année, l’impact sur les coûts de construction pourrait être similaire, surtout si la guerre en Ukraine perdure. Finalement, les taux d’intérêt sont résolument à la hausse, ce qui entraîne bien sûr un accroissement des coûts de financement des projets immobiliers.    

Dans un tel contexte, accélérer la cadence de la construction d’habitations tout en maintenant des prix raisonnables pour ces logements neufs représente un énorme défi.


[1] Source : ACI. Les données débutent en 1980.

À propos de l'auteur

Paul Cardinal

Paul Cardinal

Laissez un commentaire

Restez informé!

Recevez chaque mois, par courriel, les nouveautés du blogue et les dernières actualités de l’industrie.