Construction neuve Technique

Retour de la problématique du soulèvement des fermes de toit

Marco Lasalle
Écrit par Marco Lasalle

Le phénomène du soulèvement des fermes de toit vous dit quelque chose? On croyait qu’il s’agissait d’un sujet du passé et que celui-ci était bien maîtrisé par l’industrie. Erreur!

La vague architecturale à la mode, le style « contemporain épuré », soulève de nouveau une problématique que les plus expérimentés ont connue et résolue il y a de cela vingt ans.

L’industrie a connu des problèmes avec ce phénomène, particulièrement dans les constructions des années 90. À cette période, l’industrie vivait une importante évolution. Les fermes de toit, qui étaient essentiellement assemblées en chantier jusqu’à la fin des années 80, étaient maintenant fréquemment préassemblées en atelier avant d’être livrées au chantier.

Ainsi, les tableaux de portée limitée du Code de construction ou des « hands book » laissaient place à des structures calculées par modèles informatiques. Ils permettaient de livrer des fermes avec une plus grande portée. La portée libre de ces fermes de toit était telle qu’il était inutile d’ériger des murs porteurs au centre des planchers.

Fini le bungalow rectangulaire avec des fermes avant/arrière et bienvenues les tourelles, toitures complexes et espaces intérieurs décloisonnés sans poutre apparente.

La période 1990-2000 a été un laboratoire où l’industrie expérimentait quelques problématiques à l’égard des fermes de toit préassemblées. Le principal défi était de comprendre le phénomène du soulèvement des fermes de toit.

Qu’est-ce que le soulèvement des fermes de toit?
Le phénomène du soulèvement des fermes de toit est causé par l’accroissement de l’humidité dans les membrures supérieures durant l’hiver. La membrure inférieure, plus au sec et plus chaude en étant dans l’isolant, ne s’allongera pas, tandis que la membrure supérieure, exposée à l’humidité relative élevée durant l’hiver, va s’allonger. La membrure supérieure est bloquée à l’endroit de sa fixation sur la sablière des murs extérieurs. L’allongement va donc créer une cambrure vers l’extérieur, qui entraînera les membrures qui y sont attachées et, par conséquent, soulever la membrure inférieure. La membrure se replace au printemps et le cycle recommence lors de la saison de chauffe suivante.

Recommandations à l’industrie

Au début des années 2000, le dossier étant mieux documenté, le Centre national de recherches Canada (CNRC) a produit des recommandations auxquelles l’industrie de la construction (concepteurs, entrepreneurs et manufacturiers de fermes de toit) a adhéré. La conception a préféré le courant « champêtre », avec ses toitures qui comportent de fortes pentes diminuant le risque de soulèvement. Sans oublier la surexploitation des boiseries intérieures comme les moulures couronnées à la jonction entre les murs et plafonds qui permettaient d’atténuer l’effet visuel de la fissuration entre les cloisons centrales et la surface de plafond. L’utilisation de bois à l’état vert (connu sous le nom « S-Green ») a alors été délaissée par les manufacturiers de fermes de toit et le bois sec est devenu la norme.

Retour du phénomène

Un quart de siècle plus tard, les consommateurs boudent les toitures à forte pente et demandent des toits plats ou à très faible pente (vraiment, au Québec?). De plus, ils demandent de décloisonner complètement l’intérieur et de n’avoir ni poutres ni murs porteurs. Finalement, pour en rajouter un peu, fini les boiseries, la demande est au recouvrement de gypse. On veut des coins à angles droits parfaits, partout au périmètre des fenêtres et même des portes intérieures. Voilà la recette pour recréer les problématiques que l’industrie avait pratiquement éradiquées il y a une génération.

Le problème avec ce phénomène est que même si la pérennité de l’ouvrage et la performance structurale ne sont pas altérées par le soulèvement des fermes de toit, il en est tout autre en ce qui concerne l’esthétique. Lorsqu’on est aux prises avec ce phénomène, il est possible de l’atténuer, mais pas de l’éradiquer (voir la Fiche technique de l’APCHQ S4-01 « Soulèvement des fermes de toit »).

Est-il possible d’éviter cette situation sans devoir construire des maisons champêtres? Oui! Pour ce faire, il faut réduire les portées des fermes de toit. Dès que les fermes de toit ont une portée libre de plus de 32 pieds, le facteur de risque augmente. Pourtant, il est facile de réduire de moitié la portée des fermes sans aucun impact visuel (ni poutres ni murs porteurs). Il suffit d’utiliser des fermes de type mono (ce qui réduit de moitié la portée) qui seront supportées par une ferme maîtresse centrale. Au moment de faire des soumissions aux ateliers, il importe de demander une proposition avec des fermes monocombinées à des fermes autoportantes comportant de longues portées. Il sera alors possible de comparer le prix d’achat et d’évaluer si cela vaut vraiment la peine d’économiser si peu, si l’on prend en considération les frais liés au service après-vente.

Protection du bois

Bien que les manufacturiers utilisent du bois séché au four, il est important de retenir que le bois est un matériau hygroscopique (qui absorbe l’humidité de l’air) et que sa teneur en humidité peut avoir augmenté significativement. Il est préférable de limiter l’exposition des fermes aux intempéries avant leur installation. Pour ce faire, il est de bon usage de faire livrer les fermes de toit un jour maximum avant leur installation ou de les recouvrir d’une bâche telle qu’une pellicule pare-pluie (de type « Tyvek », par exemple).

Également, avant de fermer le plafond de l’étage sous le comble (coupe-vapeur et isolation), nous privilégions la lecture du taux d’humidité. La meilleure pratique est de procéder à cette étape seulement lorsque le taux d’humidité est inférieur à 19 %.

Avec ces mesures toutes simples, il est possible de minimiser le potentiel de soulèvement des fermes de toit, et ce, même avec la mode architecturale actuelle, qui n’est peut-être pas en symbiose avec notre climat nordique.

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