Technique

Fourmis charpentières : pas de panique!

Les fourmis charpentières sont fréquemment source d’inquiétude et de questionnements chez les propriétaires et les constructeurs d’habitations.

Voici une entrevue réalisée avec Marjolaine Giroux, entomologiste à l’Insectarium de Montréal depuis plus de 29 ans.

Q: Selon vos sources, la fourmi serait le sujet le plus recherché sur le site Internet de l’Insectarium (espacepourlavie.ca/insectes-et-autres-arthropodes). Pourquoi selon vous?

R: Effectivement, selon les données recueillies en 2016, la page « Des fourmis dans la maison » a enregistré plus de 28 000 visionnements. Mentionnons que les fourmis constitueraient la forme de vie la plus présente sur terre. Uniquement au Québec, on compte 108 espèces de fourmis distinctes, dont cinq qui sont charpentières. Il est donc tout à fait prévisible d’en retrouver près des maisons et parfois même à l’intérieur.

Q: La fourmi charpentière semble créer beaucoup d’inquiétude auprès des propriétaires d’habitation. Croyez-vous que cette inquiétude soit justifiée, et pourquoi?

R: On croit à tort que la fourmi charpentière se nourrit du bois. Or, ce n’est pas le cas. Contrairement aux termites, les fourmis sont incapables de digérer le bois. La fourmi charpentière est omnivore, c’est-à-dire que son alimentation est variée et qu’elle peut aussi bien se nourrir du sucre des plantes, de petits insectes morts, d’aliments sucrés, du miellat des pucerons, etc. Bien qu’il n’y ait pas de raison de s’inquiéter à la vue de quelques fourmis charpentières, on ne devrait pas les tolérer à l’intérieur des habitations.

Q: Qu’est-ce qui distingue les fourmis charpentières des autres fourmis?

Les fourmis charpentières vont creuser le bois pour y aménager des galeries et confectionner leurs nids. La reine est seule lorsqu’elle nidifie et pour ce faire, elle favorisera un endroit propice au développement de sa colonie, idéalement constitué de bois mou et préalablement altéré. Les fourmis charpentières sont généralement plus grosses que les fourmis communes. Par contre, une grosse fourmi n’est pas nécessairement une charpentière!

Photo : André Sarrazin

Q: Est-ce que le fait de constater la présence de plusieurs fourmis à l’intérieur signifie que nous abritons une colonie ou que nous faisons face à une infestation?

 R: La vue de spécimens au printemps n’est pas nécessairement inquiétante puisque les fourmis seront en recherche plus active de nourriture. Par contre, le fait de constater des fourmis à l’intérieur en hiver pourrait être un indicateur que la colonie est installée dans votre maison. Également, la vue de fourmis marchant à la queue leu leu peut aussi être indicateur de l’activité d’une colonie à proximité. Vous pouvez les suivre pour tenter de savoir où elles vont. Une colonie bien consolidée pourra prendre de trois à six ans à se développer. À ce moment, la colonie pourra compter 2 000 ouvrières ou plus. C’est à partir de ce stade que la colonie pourra se mettre à produire des individus ailés (mâles et nouvelles reines). Notez que les individus ailés sont ceux qui sont en mesure de se reproduire. Fait intéressant: la reine n’est fécondée qu’une seule fois dans sa vie et pondra sans arrêt par la suite.

Q: Est-ce que les fourmis charpentières peuvent s’attaquer au bois sain ou à d’autres matériaux de construction communs?

R: D’emblée, les fourmis charpentières construiront leurs nids dans du bois déjà altéré. Si elles s’attaquent à du bois sain, ce sera généralement lorsque celui-ci est déjà maintenu dans des conditions d’humidité soutenue. À noter que le bois des conifères est plus prisé, car il est plus mou. Le polystyrène extrudé est également susceptible d’être attaqué par les fourmis charpentières, tandis que les produits dérivés du bois contenant de la colle tels les contreplaqués et les autres produits de bois d’ingénierie ne seront généralement pas convoités par celles-ci.

Q: Vous recommandez l’utilisation de pièges contenant de l’acide borique (ou du borax) afin de se débarrasser d’une colonie de fourmis qui auraient pu élire domicile dans une habitation. Ceci étant dit, cette astuce serait bonne pour toutes les espèces de fourmis. Pourquoi recommandez-vous cette technique en particulier?

R: Il s’agit d’une technique simple et très efficace. On mélange une quantité égale de borax et d’un composant sucré (beurre d’arachide, sirop de maïs, etc.), puis on y ajoute de l’eau. Le mélange doit être visqueux, voire un peu liquide, afin de favoriser le transfert de la mixture entre les fourmis jusqu’à la reine. Il est également important de rafraîchir l’appât régulièrement et de ne pas désespérer, car ce procédé peut prendre de quatre à six semaines avant de tuer la reine. De plus, si vous repérez des colonies à proximité de votre bâtiment, il est possible de submerger le nid d’eau savonneuse, opération à répéter au besoin.

Q: Qu’est-ce qu’il ne faut surtout pas faire lorsqu’on tente d’éliminer les fourmis charpentières de notre logis?

R: Évitez de laisser traîner des sources de nourriture. Il est important de garder les surfaces propres et de passer l’aspirateur régulièrement. Assurez-vous que les ouvertures susceptibles de laisser passer les fourmis sont bien colmatées et que vos moustiquaires sont efficaces et en bon état. Emmurer les fourmis vivantes en bouchant l’entrée du nid n’est pas une bonne idée puisque les fourmis chercheront à sortir par d’autres trous dans le mur (ex.: prises électriques, fissures, etc.).

Photo : Insectarium de Montréal (René Limoges)

Q: Avez-vous des conseils à donner pour nous aider à cohabiter avec les fourmis charpentières?

R: Le premier conseil est d’être attentif afin de déceler toute infestation à l’intérieur. Le fait d’avoir quelques fourmis isolées explorant une pièce ne veut pas nécessairement dire qu’une colonie est installée dans la maison. Le site espacepourlavie.ca/des-fourmis-dans-la-maison peut vous aider à déterminer s’il s’agit d’un problème réel ou d’une fausse alerte.

Essayez de maintenir votre bois de chauffage loin de la maison, secouez les bûches avant de les rentrer et brûlez immédiatement le bois qui semble contenir des insectes. Évitez les branches d’arbres en contact avec les bâtiments, enlevez les souches et le bois mort sur le terrain. Remplacez le bois des charpentes qui montrent des signes d’altération.

Décalez vos plates-bandes de la fondation. Ceci peut être fait en ajoutant du gravier sur une largeur et une épaisseur de 30 centimètres autour de la maison (prévoyez maintenir une pente dans le fond de l’excavation favorisant l’écoulement de l’eau vers le terrain). Les fourmis chercheront à évoluer dans un milieu relativement humide puisque leur exosquelette est constitué de chitine (similaire à celui des crevettes). Le gravier aura tendance à devenir plus chaud et sec en été et constituera un environnement hostile aux insectes.

Q: Finalement, est-ce que la fourmi charpentière peut être bénéfique dans un environnement urbain?

R: Oui, les fourmis jouent un rôle important dans l’écosystème. Elles labourent le sol, mangent d’autres insectes et servent aussi de nourriture à d’autres insectes et aux oiseaux. Elles sont également très efficaces à la décomposition de matières ligneuses. En résumé, elles sont bénéfiques à la biodiversité.

Pour plus d’information sur la gestion des fourmis dans votre logis, visitez le site espacepourlavie.ca/prevention-et-controle.

Photo principale : Insectarium de Montréal (Marjolaine Giroux)

À propos de l'auteur

Pierre-Marc Larochelle

Pierre-Marc Larochelle

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