Droit de la construction Lois et règlements

Une norme non publiée peut-elle être contraignante envers un employeur en matière de santé et sécurité du travail?

En matière de santé et sécurité du travail, un employeur a l’obligation de se conformer à la Loi sur la santé et la sécurité du travail et ses règlements ainsi qu’aux normes auxquelles réfèrent les règlements applicables.

L’employeur doit également se soumettre aux règles de l’art de son secteur d’activités, aux guides d’entretien de certaines machineries, aux manuels du fabricant et aux recommandations provenant d’un organisme public ayant autorité en matière de santé et sécurité du travail.

Dans une décision récente, la Cour du Québec[1] a conclu que pour qu’une norme non publiée dans la Gazette officielle du Québec puisse être génératrice d’obligations pour un employeur, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après CNESST) doit prouver par la balance des probabilités que l’employeur en question était en mesure de prendre connaissance de cette norme. En l’espèce, la Cour du Québec déclare que la CNESST n’a pas été en mesure de faire cette preuve et prononce un verdict d’acquittement.

Retour sur les faits

Dans cette affaire, un constat d’infraction avait été émis par la CNESST à un employeur pour ne pas avoir fourni un matériel sécuritaire, soit un pont élévateur, et pour ne pas avoir assuré son maintien en bon état. L’appareil visé était un vérin hydraulique qui sert à soulever un véhicule automobile pour permettre au mécanicien d’avoir accès aux composantes situées en dessous du véhicule ainsi qu’aux roues. Selon la CNESST, les dispositifs antirotation et antichute du pont élévateur étant absents, le vérin n’était donc pas sécuritaire et représentait un risque d’accident. Au soutien de ses prétentions, la CNESST alléguait que la norme américaine ANSI/ALCTV : 2011 applicable au vérin faisait partie des règles de l’art exigées pour l’opération sécuritaire d’un vérin et que l’employeur devait s’y conformer.

Cependant, cette norme rédigée uniquement en anglais n’est pas disponible sur le site de la CNESST et un frais doit être déboursé pour y avoir accès.

Le verdict

Dans ses motifs, la Cour considère que le texte de la norme ANSI/ALCTV : 2011 n’énonce pas de façon claire les exigences requises en matière de systèmes antirotation et antichute pour que celle-ci fasse partie des règles de l’art dans ce domaine et génère des obligations à l’égard d’un employeur. De plus, elle applique les enseignements de la Cour suprême du Canada selon lesquels « un accusé est excusé lorsqu’il était impossible de connaître la règle de droit en vertu de laquelle il a été inculpé parce qu’elle n’avait pas été rendue publique [2]». Elle affirme que pour qu’une norme puisse être contraignante pour un employeur, celle-ci doit avoir fait l’objet d’une publication dans les deux langues, en plus d’être accessible pour la personne qui exerce dans le secteur d’activité visé.

En somme, il est important de retenir qu’une norme non incorporée par un renvoi dans une loi ou un règlement peut être assimilée à une règle de l’art reconnue et être génératrice d’obligations pour un employeur dans un domaine d’activité particulier. Il est donc suggéré de prendre les mesures raisonnables pour connaître ces normes et les appliquer dans le cadre de ses activités.  


[1] Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. S. Turcotte inc., 2021 QCCQ 5403 (CanLII).

[2] R. c. Jorgensen, [1995] 4 RCS 55, au para. 6.

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Me Niki Galanopoulos

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