Actualités Droit de la construction Lois et règlements

Le droit de préemption

Me Marc Bergeron
Écrit par Me Marc Bergeron

Le projet de loi 37 a été sanctionné le 10 juin dernier. Avant cette date, uniquement la Ville de Montréal pouvait bénéficier d’un droit de préemption. Désormais, ce droit pourrait être utilisé par toutes les municipalités du Québec.

Voici quelques informations sur ce nouveau droit accordé aux municipalités.

Qu’est-ce que le droit de préemption accordé aux municipalités au Québec?

Il s’agit d’un droit accordé aux villes et aux municipalités du Québec qui permet à celles-ci d’acheter en priorité sur les autres acheteurs potentiels certains immeubles ou terrains, sur lesquels un avis d’assujettissement a été inscrit préalablement, afin de pouvoir y réaliser des projets au bénéfice de la communauté (par exemple, pour du logement social, des parcs ou des bibliothèques).

Est-ce que la totalité des immeubles est visée par ce droit de préemption?

Non. Pour qu’un immeuble soit visé, la municipalité doit notifier au propriétaire un avis d’assujettissement qui doit identifier l’immeuble et décrire les fins pour lesquelles il pourra être acquis. Il doit par la suite être publié au registre foncier. Cet avis est valide pour une période de 10 ans à compter de son inscription au registre foncier.

La municipalité détermine par règlement le territoire sur lequel le droit de préemption peut être exercé et les fins municipales auxquelles des immeubles peuvent être ainsi acquis.

Est-ce que la municipalité devient propriétaire de l’immeuble à la suite de l’inscription de cet avis?

Non. Le propriétaire de l’immeuble visé devra faire parvenir un avis à la municipalité lorsqu’il a accepté une offre d’achat d’un tiers. Cet avis doit indiquer le prix et les conditions de l’aliénation projetée ainsi que le nom de la personne qui envisage d’acquérir l’immeuble. Lorsque cette aliénation est faite, en tout ou en partie, pour une contrepartie non monétaire, l’avis doit contenir une estimation fiable et objective de la valeur de cette contrepartie.

Est-ce que le propriétaire peut refuser une telle inscription sur son lot?

Non, la publication d’un avis d’assujettissement au registre foncier s’inscrit dans l’exercice du droit de préemption.  

À la suite de la réception d’un tel avis, que peut faire la municipalité?

La municipalité peut, au plus tard le 60e jour suivant la notification de l’avis de l’intention d’aliéner, notifier au propriétaire un avis de son intention d’exercer son droit de préemption et d’acquérir l’immeuble au prix et aux conditions qui y sont énoncés, sous réserve de toute modification convenue ultérieurement avec le propriétaire. Lorsque l’avis de l’intention d’aliéner contient une estimation de la valeur d’une contrepartie non monétaire, le prix doit être majoré d’une somme équivalente.

La municipalité peut, pendant cette période, exiger du propriétaire tout renseignement lui permettant d’apprécier l’état de l’immeuble. Elle peut également, sur préavis de 48 heures, avoir accès à l’immeuble afin de réaliser, à ses frais, toute étude ou analyse qu’elle juge utile.

La municipalité pourra donc décider d’acheter l’immeuble au propriétaire selon les mêmes modalités que l’offre d’achat acceptée ou renoncer à ce droit.

Si la municipalité utilise ce droit de préemption dans le délai approprié, comment doit-elle procéder?

Elle doit acquitter le prix de l’immeuble dans les 60 jours suivant la notification de l’avis de son intention de l’acquérir. Si elle ne peut verser la somme au propriétaire, elle peut la déposer, pour le compte du propriétaire, au greffe de la Cour supérieure. Un acte de vente notarié interviendra entre le propriétaire et la municipalité. Il y a des mécanismes prévus dans la loi advenant le défaut du propriétaire de signer un acte de vente notarié.

Si la municipalité utilise ce droit, la personne qui entendait l’acheter peut-elle obtenir un dédommagement?

Oui. La municipalité doit dédommager la personne qui envisageait d’acquérir l’immeuble pour les dépenses raisonnables qu’elle a engagées dans le cadre de la négociation du prix et des conditions de l’aliénation projetée.

Si la municipalité refuse de se prévaloir de son droit de préemption dans le délai, qu’est-ce qui arrive?

Lorsque la municipalité renonce à exercer son droit de préemption et que l’aliénation projetée se réalise, elle doit faire radier du registre foncier l’avis d’assujettissement.

La vente pourra se dérouler comme n’importe quelle autre vente d’immeuble, comme si aucun droit de préemption n’avait été inscrit au registre foncier.

Si le propriétaire vend son immeuble sans avoir transmis l’avis requis à la municipalité, que peut-il arriver?

Normalement, le notaire devrait constater qu’un tel droit de préemption a été inscrit sur le lot visé. Malgré tout, une telle vente serait nulle.

À propos de l'auteur

Me Marc Bergeron

Me Marc Bergeron

4 commentaires

  • Intéressant. Sauf que je me questionne sur ceci: Lorsqu’une offre d’achat est déposée par un tiers sur une propriété où la municipalité a levée un droit de préemption, est-ce l’achat par le tiers devient obligatoire si la municipalité refuse d’exercer son droit? (Éviter les fausses offres pour faire grimper la valeur).

    • Bonjour Daniel,
      Merci de votre intérêt pour le sujet. Lorsque la municipalité refuse d’exercer son droit, l’offre d’achat acceptée est traitée comme n’importe quelle autre offre d’achat où il n’y a pas de droit de préemption. Le vendeur pourrait effectivement avoir des recours contre l’acheteur si celui-ci ne donne pas suite à ses obligations.
      Bonne journée

      • Ou que le vendeur et l’acheteur potentiel font une mise en scène pour forcer la municipalité à refuser son droit de préemption sans qu’une vente sois faite. Ce qui m’amène à une autre question. Si dans une première offre, la municipalité refuse son droit et que la vente ne se fait pas, est-ce que le droit de préemption est réactivé ou doit-il être enregistré de nouveau?

  • Si une promesse d’achat a été signée entre l’acheteur et le vendeur, avant l’entrée en vigueur du projet de loi et de l’inscription de l’immeuble au registre foncier.
    Mais que le délai afin de respecter les conditions de la promesse d’achat ferait en sorte que l’acte de vente serait signée après l’inscription de l’immeuble au registre foncier.
    Est-ce que la municipalité a droit d’exercer son droit de préemption sur cette immeuble?

Répondre à Daniel Brais X

Restez informé!

Recevez chaque mois, par courriel, les nouveautés du blogue et les dernières actualités de l’industrie.