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Conséquences environnementales de l’utilisation croissante du bois

Sylvain Cordier
Écrit par Sylvain Cordier

Responsable d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre et de 40 % de la consommation d’énergie mondiale, le secteur du bâtiment est présenté comme l’un des plus polluants.

L’utilisation du bois, matériau biosourcé séquestrant le carbone du CO2 atmosphérique, présente des atouts pour réduire ces impacts. Localement présent au Québec, son utilisation est facilitée par les développements sur la performance au feu, les nouveaux produits, l’expertise en conception et la réglementation.

Le gouvernement du Québec a, quant à lui, développé une stratégie pour promouvoir son utilisation. La Charte du bois1, développée dans ce contexte, présente des actions concrètes pour considérer le bois dans les projets de construction à l’égal des autres matériaux de construction. Par exemple, pour les projets de constructions financés par des fonds publics, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation des matériaux de construction doivent être évaluées à l’étape d’avant-projet. Le gouvernement est aussi un soutien financier pour la recherche, le développement, et les programmes de formation sur la construction en bois.

Utilisation accrue du bois de structure

Ces développements contribuent à l’utilisation accrue du bois comme matériau de structure dans la province. En construction résidentielle, le bois domine le marché au Québec. En effet, environ 90 % des bâtiments sont construits en ossature légère en bois, alors que la nouvelle réglementation permet désormais de construire jusqu’à six étages avec ce matériau.

Du côté non résidentiel, on estimait, en 2017, que la part de marché du bois dans les structures de quatre étages et moins était de 28 %, une augmentation de 4 % par rapport à 20142. Les nouveaux bâtiments de grande et moyenne hauteur avec une structure en bois démontrent la faisabilité technique, mais ce n’est pas encore un développement qui se fait à l’échelle provinciale.

Problématique

Un développement à grande échelle peut toutefois imposer des changements dans la chaîne d’approvisionnement des matières premières, selon les interactions existantes dans le marché du bois et avec d’autres marchés. Ces changements, quant à eux, modifient les impacts environnementaux.

C’est avec l’objectif d’étudier ces enjeux qu’a été a entamé un projet de doctorat au sein de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) et du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et écoconception (LIRIDE) à l’Université de Sherbrooke. Le projet de recherche vise à identifier et évaluer les conséquences de l’utilisation accrue du bois pour les structures non résidentielles ainsi que leurs effets sur l’environnement.

L’analyse de flux de matières (AFM) et l’analyse du cycle de vie (ACV) sont les outils utilisés. L’AFM permet l’analyse des flux et des stocks de matières dans un système défini dans le temps et l’espace. Le but étant d’identifier les pertes, accumulations ou épuisements des stocks en réponse à la demande de bois dans un marché. L’ACV permet de quantifier les impacts environnementaux d’un système depuis l’extraction des matériaux jusqu’à sa fin de vie.

Les enjeux

Parmi les questions abordées par ce projet, l’étudiant cherche à comprendre comment les flux de matériaux peuvent évoluer en réponse à une demande accrue du bois selon les libertés et contraintes du secteur.

Par exemple, la marge de récolte par rapport à la disponibilité forestière des résineux est d’environ 7 300 000 m3 de bois rond, soit 4 380 000 m3 de bois d’œuvre (rendement des scieries de 60 %). Pour épuiser le stock disponible, il faudrait 1 960 bâtiments comme la résidence Brock Commons, un bâtiment en bois massif de 18 étages (2 233 m3 de bois de structure), construit à Vancouver, en Colombie-Britannique. Cela représenterait 29 650 320 m2 construits, soit 20 % des surfaces de plancher institutionnelles et commerciales. C’est une part importante, car la croissance annuelle de ces surfaces de plancher varie entre 1 % et 2 %.

La disponibilité forestière semble suffisante pour répondre à la demande des structures en bois, mais c’est sans compter l’évolution des autres marchés du résineux (comme la construction multifamiliale, les exportations, etc.). Pour bien saisir l’impact d’une augmentation de l’utilisation du bois dans la construction non résidentielle, il est important de faire un bilan cohérent des flux du bois à travers sa chaîne d’approvisionnement et ses marchés.

La Figure B initie ce travail et présente les volumes utilisés proportionnellement aux largeurs des flèches. On peut alors se demander comment ces flèches évoluent selon celle dédiée aux structures non résidentielles.

Au total, 50 % des bois résineux récoltés sont exportés en bois d’œuvre. Si ces exportations continuent de croître comme ce fut le cas au cours des dix dernières années, et si les autres marchés ont une évolution constante, la disponibilité forestière actuelle serait atteinte d’ici2030.

Le bois de structure utilisé dans les bâtiments peut, après une durée de vie de 50 à 100 ans, être réacheminé vers d’autres usages (ex. : réutilisation dans une structure, recyclage en panneaux de particules ou revalorisation énergétique). Cela permettrait de remplacer de la matière vierge ou des ressources fossiles.

En ce qui concerne les possibilités identifiables, les impacts environnementaux seront analysés pour la suite du projet.

1 MFFP (2017). Charte du bois (https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/transformation-du-bois/charte-bois/), ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).

2 Robichaud, F. (2017). Étude de Marché pour les Bois de structure dans la construction non résidentielle au Québec (rapport pour le compte de CECOBOIS), Forest Economic Advisor, Québec, Canada.

Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.

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