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Donnons davantage de flexibilité aux emprunteurs hypothécaires

Paul Cardinal
Écrit par Paul Cardinal

Le remboursement avant terme d’un prêt hypothécaire est monnaie courante au Canada et les raisons pour le faire sont nombreuses. On pense bien sûr aux emprunteurs qui voudraient bénéficier d’une baisse de taux d’intérêt, ou qui ont simplement envie de changer de propriété, mais bon nombre de ménages sont forcés de briser leur hypothèque en raison de circonstances malheureuses : divorce, baisse de revenu, perte d’emploi, transfert d’emploi, invalidité, etc.

Avec la crise sanitaire qui perdure et la possibilité de report de paiements hypothécaires qui a pris fin chez plusieurs institutions financières, de nombreux ménages risquent de se retrouver rapidement en situation de défaut de paiement et, ultimement, s’exposent à ce que leur propriété soit saisie. À moins qu’ils arrivent à négocier un arrangement avec leur institution financière ou qu’ils refinancent leur prêt.

Or, les pénalités hypothécaires que chargent les institutions financières sont exorbitantes et les montants atteignent souvent les cinq chiffres[1]. En conséquence, en cas de refinancement, les ménages se retrouvent la plupart du temps prisonniers de leur institution financière, car souvent, la seule manière de voir réduire leur pénalité, c’est de rester avec le même prêteur.  

Aussi, il importe de souligner qu’en dépit des obligations de divulgation entrées en vigueur en  2013[2], très peu d’emprunteurs comprennent véritablement l’ampleur des pénalités auxquelles ils s’exposent et la manière dont ladite pénalité sera calculée. Les méthodes de calcul peuvent d’ailleurs varier considérablement d’une institution financière à une autre.

De manière générale, pour un prêt hypothécaire à taux fixe, la pénalité correspondra au plus élevé des deux montants suivants : trois mois d’intérêt ou le manque à gagner causé par l’écart entre le taux d’intérêt du prêt initial et le taux d’intérêt qui peut être obtenu actuellement[3]. Sauf que les institutions financières utilisent le plus souvent les taux affichés, sans l’escompte, pour faire leurs calculs, avec pour résultat des pénalités qui vont bien au-delà des pertes réelles d’intérêt subies par l’institution financière[4].                

Dans le cadre des consultations prébudgétaires 2021-2022, l’APCHQ recommande au gouvernement fédéral de réglementer les pénalités hypothécaires de manière à limiter celles-ci à trois mois d’intérêt pour les prêts hypothécaires fermés à taux fixe. 

Concluons en soulignant qu’une telle réglementation procurerait davantage de flexibilité et de prévisibilité aux emprunteurs, tout en accroissant la concurrence entre les institutions financières.


[1] Si l’emprunteur a reçu des remboursements de frais(ex. notaire) ou des remises en argent à la signature de l’entente hypothécaire, ceux-ci pourraient également être considérés dans le calcul de la pénalité.

[2] Voir ligne directrice DC-9 du Code de conduite pour les institutions financières sous réglementation fédérale – Information sur le remboursement anticipé des hypothèques.

[3] Ce calcul est appelé « différentiel de taux d’intérêt » (DTI).

[4] À titre d’exemple, reprenons l’exemple donné par l’Agence de consommation en matière financière sur son site web. Pour résilier une hypothèque dont le solde est de 200 000 $, dont le terme restant est de 36 mois sur 60 et dont le taux d’intérêt est de 6 %, pour en avoir une autre avec un taux d’intérêt plus bas à 4 %, les frais de pénalité approximatifs sont de 3 000 $ si on applique trois mois d’intérêt et de 12 000 $ si on applique la DTI. L’emprunteur paiera donc le montant le plus élevé des deux, soit 12 000 $. Toutefois, si le taux de départ de 6 % était le taux affiché et que le taux contractuel du prêt hypothécaire à résilier, après escompte, était de 5 %, le montant perdu en intérêts par l’institution financière est en fait de 6 000 $.  

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