Construction durable Technique

L’impact du béton sur l’environnement

Marie-Pier Germain
Écrit par Marie-Pier Germain

Matériau incontournable des constructions d’aujourd’hui, le béton de ciment est utilisé massivement que depuis les années 1950, période qui correspond à l’après-guerre où il était nécessaire de reconstruire rapidement.

À ce moment, le béton de ciment était préféré à tout autre matériau puisqu’il présente des caractéristiques intéressantes, comme sa facilité de moulage, sa prise rapide, son incombustibilité, son imperméabilisation ou encore sa capacité à emmagasiner la chaleur.

Offrant d’excellentes caractéristiques mécaniques qui permettent la réalisation de très grandes portées, le béton de ciment présente aussi une très bonne résistance à la compression et lorsqu’il est allié à l’acier d’armature, il permet également de résister à la traction. Pour toutes ces raisons, le béton de ciment est l’une des composantes incontournables de l’industrie de la construction.

L’évolution du béton

Le béton a aussi contribué à la révolution architecturale. Les Romains de l’Antiquité utilisaient déjà le béton de ciment dans leurs constructions. D’ailleurs, le béton romain était tellement durable que plusieurs constructions, comme le Colisée ou le Panthéon, tiennent encore aujourd’hui. Les Romains utilisaient un mélange de ciment généralement composé de sable, de chaux et de pouzzolane, un granulat provenant de scories volcaniques présentes naturellement aux alentours du Vésuve.

C’est en 1824, en Angleterre, que le type de ciment le plus utilisé au monde dans les mélanges de béton fera son apparition : le ciment Portland. Ce type de ciment, qui agit comme liant hydraulique dans le mélange de béton, s’obtient principalement en ajoutant du sulfate de calcium à un clinker réduit en poudre que l’on fait cuire. Une fois cuit, on ajoute du gypse au mélange afin de le rendre utilisable.

La production du béton

C’est l’étape de la production du ciment qui est la plus énergivore dans le processus de fabrication du béton. L’Athena Sustainable Materials Institute attribue 75 % de la quantité totale d’énergie requise pour la fabrication du béton à la production du ciment. Les ingrédients servant à produire le ciment doivent être mélangés dans un four qui doit atteindre des températures entre 1480 et 1650 °C. C’est cette énergie requise pour atteindre de telles températures qui est le plus dommageable pour l’environnement parce que la production de cette énergie s’effectue en brûlant des combustibles fossiles comme le charbon, l’huile lourde ou le gaz naturel. Au surplus, une fois chauffé, le calcium libère du dioxyde de carbone, l’un des gaz à effet de serre les plus dommageables et contributifs aux changements climatiques.

Sous l’angle de l’énergie grise, c’est-à-dire de la quantité d’énergie consommée du matériau dans son cycle de vie (production, extraction, transformation, fabrication, transport, mise en œuvre, entretien et recyclage), le béton n’est pas un matériau très énergivore, principalement parce qu’il requiert très peu d’entretien. Par contre, les dommages concentrés à l’étape de la production du ciment sont considérables. Pour améliorer l’empreinte environnementale du béton, les défis se trouvent principalement dans la production du ciment. On pourrait même se questionner sur la possibilité de fabriquer un béton sans ciment.

Un béton sans ciment?

Cette question peut sembler farfelue étant donné que le ciment est l’un des trois principaux ingrédients de base du béton avec les agrégats et le sable. Cependant, l’enjeu actuel des changements climatiques justifie la formulation de ce questionnement. Heureusement, l’innovation québécoise s’est penchée sur la question et propose un procédé qui permet d’offrir un béton « écologique », sans ciment. Ce sont des chercheurs de l’Université McGill qui ont fondé l’entreprise montréalaise CrabiCrete, récipiendaires du prix Sustainability 2020 de la revue World Finance dans le domaine de la technologie du bâtiment, qui sont les précurseurs de ce nouveau type béton.

Le procédé qu’ils proposent consiste à remplacer la poudre de ciment par des sous-produits provenant de l’industrie de l’acier que l’on nomme des scories, lesquelles sont produites par le traitement à haute température de l’industrie de l’acier. Généralement, les scories sont envoyées dans les dépotoirs. Non seulement ce nouveau procédé permet d’utiliser les scories pour la production d’un béton plus sain, mais on dévie du même coup des sites d’enfouissement des rejets existants provenant de l’industrie métallurgique.

Les recherches des fondateurs de CrabiCrete proposent d’injecter le gaz carbonique dans le béton pendant sa phase de cure, lorsque le mélange de béton est à l’état humide. Ce procédé permet d’isoler une partie du gaz dans le béton. Ainsi, les émanations de gaz carbonique dans l’atmosphère sont réduites de façon considérable.

Ce procédé ayant une capacité de production restreinte, les chercheurs se sont associés à l’entreprise drummondvilloise Patio Drummond, qui a su repenser son usine afin de répondre à la demande en produisant des blocs de béton « écologiques » selon le procédé développé par les chercheurs de l’Université McGill. Simplement en modifiant le procédé de fabrication, ces deux joueurs de l’industrie du béton permettent de réduire l’empreinte carbone liée à un matériau essentiel de la construction. L’innovation et le savoir-faire québécois sont à l’honneur dans la lutte aux changements climatiques. Très intéressante, cette nouvelle technologie est certainement appelée à prendre sa place dans l’industrie. Quoique ce nouveau procédé demeure émergent et encore peu accessible.

Une alternative au béton

Une autre alternative qui s’offre à nous afin de réduire l’empreinte carbone liée à l’industrie du béton serait de réduire la consommation de béton en ne faisant pas de sous-sol. Non seulement cette avenue a un impact sur la consommation de béton, mais elle minimise aussi les interventions sur le site et les déperditions de chaleur au niveau du sous-sol, ce qui améliore l’efficacité énergétique du bâtiment. Toutefois, bien que cette possibilité soit à envisager, particulièrement dans les zones à risques d’inondation, la culture populaire n’est pas prête à cette idée. Pourtant, il pourrait être envisageable de combler l’espace perdu du sous-sol par une pièce habitable au-dessus du garage.

L’emploi d’un béton à faible empreinte s’avère un choix judicieux. En plus de ce que propose la collaboration entre CrabiCrete et Patio Drummond, d’autres types de béton font leur apparition. Les bétons contenant des cendres volatiles, par exemple, ne sont pas sans rappeler le béton romain qui a prouvé sa durabilité. Pas si fous ces Romains! Après tout, la notion première du développement durable est la durabilité!

À propos de l'auteur

Marie-Pier Germain

Marie-Pier Germain

Laissez un commentaire

Restez informé!

Recevez chaque mois, par courriel, les nouveautés du blogue et les dernières actualités de l’industrie.