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Négligence criminelle : jugement de culpabilité confirmé contre une entreprise

Me Martin Villa
Écrit par Me Martin Villa

Récemment, la Cour d’appel du Québec[1] a confirmé un jugement de culpabilité contre une entreprise pour négligence criminelle causant la mort d’un employé suivant l’article 220 b) du Code criminel. Ce jugement avait été rendu par une juge de la Cour du Québec[2]. Une amende totalisant 345 000 $[3] a été imposée à l’entreprise fautive.

Dans cette affaire, la Cour d’appel nous rappelle que la diligence et la prudence s’imposent lorsqu’une entreprise œuvre dans un secteur d’activité qui met en cause la santé des travailleurs.

Pour les fins de compréhension, nous allons traiter brièvement des faits ainsi que des règles applicables à ceux-ci.

La preuve

Au procès, il a été démontré qu’un employé conduisait le camion lourd d’une entreprise afin de transporter des rebuts retirés de la base d’une éolienne. Au moment du virage d’une pente descendante, le camion s’est renversé dans un fossé. Malheureusement, l’employé est décédé.

Il a été établi que les freins du camion étaient défectueux. De plus, les entretiens et les réparations effectués étaient inadéquats. Au surplus, le dirigeant et le mécanicien responsable du garage de l’entreprise savaient ou ne pouvaient ignorer l’état désuet des freins. À ce sujet, la preuve a révélé qu’à plusieurs reprises, la victime avait dénoncé cette problématique à son employeur.

Les enseignements de la Cour d’appel

Selon la Cour d’appel, l’infraction de négligence criminelle causant la mort a été prouvée hors de tout doute raisonnable. Le poursuivant a démontré que l’entreprise avait omis de procéder à un entretien approprié du camion conduit par la victime et de son système de freinage. Les freins du camion étaient clairement défectueux, mal entretenus et non réparés. Cette entreprise avait le devoir de s’assurer que le camion pouvait être utilisé, sans risque de mettre en péril la sécurité d’autrui. En omettant[4] de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de son employé, l’employeur a manqué à ses obligations. Celles-ci découlaient, notamment, des articles 217.1[5] du Code criminel et 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)[6]. Cette omission a causé ou contribué d’une manière significative au décès de l’employé (actus reus).

Aussi, le poursuivant a démontré que le comportement de l’employeur constituait un écart marqué et important par rapport à celle d’une personne raisonnable qui œuvre dans le même secteur d’activité (élément de faute). Autrement dit, une personne raisonnable et prudente n’aurait pas eu un comportement téméraire ou insouciant à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

En raison du domaine d’activité aussi fortement réglementé et dangereux, la Cour d’appel souligne qu’on pouvait s’attendre à ce que l’employeur veille à l’entretien de ses véhicules, tout comme l’aurait fait une personne raisonnable exerçant la même activité dans les mêmes circonstances.

Conclusion

Ce jugement de la Cour d’appel du Québec rappelle l’importance pour tout employeur de respecter ses obligations en matière de santé et sécurité au travail, dont celles qui découlent de la LSST.

Qui plus, il est de son devoir, entre autres, de fournir un camion sécuritaire et d’assurer son maintien en bon état, en conformité avec les objectifs de la LSST : éliminer à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique des travailleurs[7].


[1] CFG Construction Inc. c. R., 2023 QCCA 1032.

[2] R. c. CFG Construction Inc., 2019 QCCQ 1244.

[3] R. c. CFG Construction Inc., 2019 QCCQ 7449. Une amende de 300 000 $ plus une suramende compensatoire de 15 % qui s’ajoute à cette amende.

[4] L’article 219 (1) b) mentionne: Est coupable de négligence criminelle quiconque : soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui […].

[5] Cet article 217.1 se lit comme suit : Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

[6] Chapitre S-2.1. « Ci-après LSST ». L’article 51 mentionne que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité, ainsi que l’intégrité physique et psychique du travailleur.

[7] Article 2 LSST.

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