Améliorer la performance des bâtiments, c’est jongler avec l’optimisation de plusieurs paramètres. L’optimisation multiobjectif est un outil qui permet de tendre vers la solution idéale et, dans ce projet particulièrement, de maximiser l’utilisation de l’espace et la configuration de l’assemblage.
La construction en bois a subi une forte croissance au cours des dernières années et son développement s’accompagne d’une augmentation continuelle de la hauteur des bâtiments. En contrepartie, les règles d’urbanisme imposent des limitations de hauteur en fonction du site, ce qui engendre une forte pression pour maximiser l’utilisation de l’espace vertical et en particulier, celui consacré à autre chose que l’occupation humaine, notamment l’espace entre le plafond et le plancher.
Cet espace revêt une grande importance vu sa position dans le bâtiment ainsi que ses fonctionnalités multiples. D’une part, il fait partie du système structural du bâtiment et, d’autre part, il constitue un caisson par où passent les systèmes de la mécanique du bâtiment comme la ventilation et la plomberie. Réduire l’épaisseur de cet espace a des répercussions importantes sur la hauteur totale du bâtiment puisque cet espace se répète à chaque étage. Cependant, cela peut alors nécessiter de plus petites gaines de ventilation, ce qui augmente les pertes de charge, et donc, la consommation d’énergie.
Est-il possible d’optimiser la configuration du sandwich « plafond à plancher » pour minimiser son épaisseur tout en permettant un passage adéquat des systèmes de la mécanique du bâtiment? C’est dans l’objectif de répondre à cette question que j’ai réalisé un projet de maîtrise à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval. Le projet est réalisé en génie mécanique, sous la direction du professeur Louis Gosselin.
Afin d’optimiser la configuration de l’assemblage, une méthode d’optimisation multiobjectif a été élaborée afin d’obtenir un ensemble de compromis entre deux objectifs concurrents : l’épaisseur de l’assemblage et la perte de pression au niveau du réseau de ventilation.
Système étudié
Le système analysé dans la présente étude est composé d’une chape en béton sur une dalle en CLT, supportée par des poutres en bois lamellé-collé (BLC). Le réseau de ventilation peut passer dans la même épaisseur que les poutres en BLC, soit en parallèle à ces dernières, soit en les traversant. Afin de répondre aux exigences du Code de construction du Québec, des contraintes liées aux états limites ultimes et aux états de limites de services sont prises en considération. D’autres contraintes liées au dimensionnement des gaines de ventilation sont aussi respectées, notamment en ce qui concerne les vitesses de l’air dans les gaines. En particulier, une contrainte sur la taille maximale des ouvertures pratiquées dans les poutres pour le passage des gaines a été implémentée sur la base des fiches techniques de l’entreprise Nordic Structure.
Afin d’évaluer le modèle développé, un cas d’étude a été simulé. Dans celui-ci, l’épaisseur de la chape, les propriétés de la dalle en CLT (l’épaisseur et le nombre de plis), le type du bois, l’entraxe entre les poutres, la hauteur et la largeur des poutres ainsi que le diamètre des différentes sections de gaine de ventilation sont considérés comme des variables de conception.
La Figure 1 montre un exemple de configuration en plan du système étudié. Le réseau de distribution d’air est représenté en bleu. Les cercles représentent des points-sources d’air. Les flèches sont les diffuseurs d’air. La structure est modélisée en gris. Les poutres sont disposées d’une façon parallèle les unes aux autres.
L’algorithme d’optimisation multiobjectif tente de trouver les meilleures combinaisons des variables de conception de façon à minimiser simultanément l’épaisseur de l’assemblage et la perte de charge maximale dans les gaines.
Figure 1 : Exemple de représentation schématique en vue de dessus du système structural (gris) et de la distribution d’air (bleu).
Résultats et discussion
Les résultats de l’optimisation montrent que différentes solutions possibles respectent les critères de dimensionnement cités. Ces solutions peuvent être présentées sous la forme de ce qu’on appelle un front de Pareto (Figure 2 a). Chaque point sur cette figure correspond à une des solutions trouvées par l’algorithme et illustre le compromis à faire entre l’épaisseur de l’assemblage (en x) et la perte de charge (en y). Selon la priorité accordée à la consommation d’énergie ou à l’épaisseur dans un projet donné, la personne responsable de la conception peut donc choisir l’une des solutions optimales sur le front de Pareto.
Une solution est une combinaison entre le nombre de plis de la dalle en CLT (n), l’épaisseur transversale (ept) et longitudinale (epl) des panneaux de la dalle en CLT, l’épaisseur de la chape (be), le type de dalle en CLT (tp), l’entraxe entre les poutres (E), la hauteur (hp) et la largeur (lp) des poutres, ainsi que le diamètre des gaines.
Des exemples de solutions liées aux variables de la conception structurale sont présentés à travers le diagramme de points (Figure 2 b). Sur la Figure 2 b, le point 9 (P9) est le point en noir sur le front de Pareto avec le maximum d’épaisseur, et le point 1 (P1) est le point avec le maximum de perte de pression dans le réseau de ventilation.
Figure 2 a) Front de Pareto des solutions optimales
Figure 2 b) Diagramme de points montrant la configuration de 9 solutions choisies.
L’outil d’optimisation a été utilisé pour comparer trois stratégies au niveau des percements dans les poutres permettant d’accommoder le passage des gaines. Premièrement, nous avons considéré une situation où aucun percement n’est permis et par conséquent, les gaines doivent passer sous les poutres. La deuxième situation utilise des percements sans renforcement tant que leurs diamètres ne représentent pas plus de 15 % de la hauteur de la poutre. Finalement, nous avons aussi considéré des ouvertures avec renforcement, ce qui permet de tolérer des percements allant jusqu’à 30 % de la hauteur de la poutre.
Les résultats de la simulation ont montré que le scénario 3 (ouvertures avec renforcement) était plus bénéfique pour réduire l’épaisseur de l’assemblage par rapport au scénario 2 (ouvertures sans renforcement). La présence d’ouvertures sans renforcement (scénario 2) n’était pas aussi bénéfique par rapport au cas sans percement (scénario 1).
Dans le futur, l’outil développé pourra permettre de simuler divers assemblages. De plus, il pourra inclure d’autres objectifs importants en lien avec l’espace « plafond à plancher », comme l’acoustique, la sécurité incendie et les coûts.
Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.