Construction durable Innovation

Et si on recyclait nos bâtiments?

Marie-Pier Germain
Écrit par Marie-Pier Germain

Le recyclage des bâtiments ne signifie pas nécessairement qu’un bâtiment est fait de matériaux recyclés. On oublie souvent que les bâtiments peuvent être recyclés, et cela constitue une action très forte dans le domaine du développement durable qui permet de réduire l’empreinte carbone de façon considérable.

En optant pour la conservation d’un bâtiment, on peut lui donner un nouveau cycle d’utilisation en le restaurant, ou encore une deuxième vie en lui permettant d’occuper une fonction différente.

La réutilisation des bâtiments

Contrairement à la réhabilitation, la réutilisation suggère l’instauration d’une nouvelle utilisation, dont la fonction diffère de celle initialement prévue au départ. La réutilisation peut être initiée par la population pour la sauvegarde du patrimoine ou par le simple fait que l’urbanisme à l’échelle d’un quartier change. Par conséquent, les besoins du secteur évoluent. C’est souvent le cas des bâtiments à caractère industriel, qui trouvent un deuxième souffle comme ensemble d’habitations.

Le bâtiment peut aussi être l’initiateur de sa propre réutilisation. Par ses dimensions, sa conception, son caractère architectural ou la qualité de son système constructif, il trouvera une deuxième vie, une nouvelle fonction. On n’a qu’à penser aux églises laissées vides qui accueillent aujourd’hui des salles de spectacles.

L’intérêt pour le recyclage des bâtiments

Au Québec, c’est vers la fin des années 1960 que l’intérêt pour le recyclage des bâtiments a pris son essor. À une époque où le paysage urbain affichait un parc immobilier désuet, la démolition s’était avérée être la solution. En réaction à ce raz-de-marée de démolitions causant la perte d’une grande partie du patrimoine bâti, la conversion des bâtiments avait été la réponse à la sauvegarde du patrimoine restant.

Aujourd’hui, bien que la préservation du patrimoine soit tout aussi valable, des préoccupations environnementales se sont ajoutées à la prise de décision (démolir ou maintenir). Les raisons environnementales ne font pas que donner bonne conscience, elles participent grandement à augmenter la valeur du parc immobilier.

En choisissant de donner une deuxième vie à un bâtiment existant, les promoteurs doivent y apporter une valeur ajoutée. Que ce soit en améliorant la performance de l’enveloppe ou de la structure, ou en intégrant des éléments pour créer un milieu de vie attrayant, ils contribuent à la protection du patrimoine, réduisent la consommation des ressources naturelles et luttent contre les gaz à effet de serre en diminuant l’empreinte carbone laissée par une construction neuve.

Quelques exemples intéressants

Le recyclage des bâtiments compte des exemples québécois intéressants et inspirants des points de vue architectural, économique et social. Les premiers projets recyclés n’avaient certainement pas comme critère principal la conscience environnementale, qui s’est accentuée au fil des ans et qui prend maintenant une importance aussi grande que les critères financiers et techniques.

Le pavillon Lomer-Gouin
Photo : Marie-Pier Germain

Le pavillon Lomer-Gouin

Dans le quartier Saint-Louis à Montréal, l’école Lomer-Gouin était laissée à l’abandon depuis quelques années, et condamnée à la démolition avant que la Société d’habitation du Québec acquière l’édifice et le revende à la coopérative d’habitation L’Arche de Noé. C’est ainsi qu’en 1980, vingt-deux logements destinés aux ménages à revenus modestes ont été rendus disponibles, à un coût de construction en dessous de celui d’un bâtiment neuf.

Bien que ce bâtiment était d’abord destiné à être démoli, son enveloppe et son intégrité structurale étaient en bon état. D’ailleurs, ils ont été conservés et pratiquement laissés intacts, tout comme les planchers, les escaliers, les fenêtres, les plafonds et le système de chauffage. En habitation, le recyclage de cette école s’inscrit dans le premier mouvement de conservation et de mise en valeur du patrimoine architectural québécois.

Le Clos Saint-Bernard

Le Clos Saint-Bernard
Photo : Marie-Pier Germain
Le Clos Saint-Bernard
Photo : Marie-Pier Germain

À Outremont, ce bâtiment de six étages qui abrite aujourd’hui des commerces au rez-de-chaussée, des bureaux au deuxième et au troisième étage et des unités d’habitation aux trois derniers niveaux, a été construit en 1924 et occupait à cette époque un garage de cinq étages.

Également destiné à être démoli, ce bâtiment est un bijou de recyclage. Des détails architecturaux d’origine ont été conservés pour laisser le passé s’exprimer et dialoguer avec le présent. Les imposantes colonnes champignons de l’époque ont été laissées apparentes et servent de pilier de table pour les coins repas. À cela s’ajoute l’harmonisation des revêtements de brique, de béton et d’éléments métalliques qui marient l’ancien et le nouveau, représentant à la fois les trois fonctions distinctes.


Les Habitations Paton

En plein centre-ville de Sherbrooke, aux abords de la rivière Magog, ce complexe de bâtiments industriels construit dans les années 1800 a déjà fait partie d’un des plus importants complexes industriels au Canada. Le 5e bâtiment ou « Le Paton » comporte 58 logements destinés aux personnes âgées autonomes de 60 ans et plus.

Ce complexe de bâtiments industriels, aujourd’hui appelé Les Habitations Paton, a été construit dans les années 1800.

Ce complexe est composé de murs de maçonnerie à cinq épaisseurs et d’une structure de bois massif, demeurée apparente pour conserver le cachet industriel et apporter une impression de chaleur. Les plafonds du dernier étage, qui varient de 11 à 13 pi, ont permis l’aménagement de mezzanines offrant des logements diversifiés et une plus grande superficie habitable. Ce modèle de recyclage de bâtiment industriel répond parfaitement à un besoin locatif de la population, tout en conservant le caractère architectural d’origine et en s’intégrant dans le paysage urbain actuel.

Les Habitations Paton
Photo : Daniel Corbeil

Bien que le recyclage des bâtiments ne soit pas la solution à tous les enjeux environnementaux, il n’en demeure pas moins qu’il présent de nombreux avantages pour les propriétaires, les promoteurs et le bien collectif. Il est donc impératif, devant un bâtiment en fin de vie, de peser les pour et les contre, et voir s’il est possible de lui donner un second souffle. Toutefois, n’oublions pas que le bâtiment le plus écologique restera toujours celui qui ne sera jamais construit!

À propos de l'auteur

Marie-Pier Germain

Marie-Pier Germain

Laissez un commentaire

Restez informé!

Recevez chaque mois, par courriel, les nouveautés du blogue et les dernières actualités de l’industrie.