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Développement de cloisons sèches à base de bois

Myriam Drouin
Écrit par Myriam Drouin

Les panneaux de gypse sont présents en grande quantité dans la majorité des bâtiments en Amérique du Nord. Ce type de cloison sèche est apprécié notamment en raison de son faible coût, sa facilité d’installation, sa capacité d’insonorisation et sa bonne résistance au feu.

Les panneaux de gypse possèdent toutefois une faible résistance à l’arrachement des vis et sont sensibles à l’humidité. De plus, d’un point de vue environnemental, l’usage de ces panneaux génère une quantité considérable de déchets de construction, puisque plusieurs facteurs limitent encore le recyclage du gypse au Québec [1].

Dans le but de réduire l’empreinte environnementale du secteur de la construction, pourrait-on imaginer un matériau de revêtement mural alternatif, qui respecte ou surpasse les propriétés du gypse, tout en permettant de réduire l’empreinte carbone des bâtiments? C’est ce que Viet Anh Vu a cherché à accomplir pendant son projet de doctorat réalisé sous la supervision d’Alain Cloutier et Benoit Bissonnette, au sein de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB), de l’Université Laval.

Ce projet a porté sur le développement d’un revêtement mural à forte inertie thermique, et à teneur réduite en ciment, en remplacement des panneaux traditionnels en gypse. Les panneaux composites à base de bois et de ciment ont été au centre des travaux. Différents constituants ont été testés pour optimiser les performances techniques et environnementales de ces panneaux. Les formulations développées et les essais réalisés ont permis de retenir deux combinaisons de composantes, soit les particules de bois-ciment-cendre de bois (première phase) et les particules de bois-ciment-pierre de stéatite (deuxième phase). En dernière phase du projet, les panneaux bois-ciment-stéatite développés ont été mis à l’essai dans des maisonnettes expérimentales afin de mesurer leur impact sur le confort thermique et l’efficacité énergétique des bâtiments.

Impact d’un ajout de cendre de bois dans les panneaux de particules bois-ciment

En première partie de projet, l’étudiant a cherché à évaluer l’effet d’ajouter de la cendre de bois, issue de la biomasse, en remplacement partiel du ciment, dans la fabrication des panneaux de particules bois-ciment. L’impact du remplacement du ciment à 10 %, 20 %, 30 %, 40 % et 50 % par de la cendre de bois a été estimé à la suite d’une évaluation des performances mécaniques et thermiques des panneaux particules de bois-ciment-cendre obtenues.

Les résultats montrent d’une part que la demande en eau s’accroit quand la teneur en cendres augmente, alors que les résistances mécaniques diminuent légèrement avec l’augmentation de la teneur en cendres, jusqu’à 30 % de remplacement du ciment. À ce taux de remplacement, on a mesuré des réductions de 12 % de la résistance à la flexion et de 21 % de la résistance à l’arrachement des vis par rapport à celles d’un panneau de composition de référence sans cendre. Au-delà de 30 % de remplacement du ciment, ces propriétés ont été significativement réduites. La capacité thermique du panneau a quant à elle augmenté lorsqu’on augmentait la teneur en cendre.

Impact d’un ajout de poudre de stéatite dans les cloisons sèches en bois-ciment

Cette seconde partie du projet a porté sur le développement d’un panneau de particules bois-ciment à haute masse thermique. Différents constituants permettant d’augmenter cette masse thermique ont été testés dans différentes proportions. Les essais préliminaires ont mené à la sélection de la poudre de stéatite, en ajout aux particules de bois et au ciment pour la fabrication de ces panneaux. Les essais ont permis de déterminer que le pourcentage optimal de remplacement du ciment par la stéatite est de 15 % massique.

Les propriétés mécaniques, physiques et thermiques ainsi que le comportement au feu des panneaux ainsi obtenus ont été caractérisés. Les résultats pour les panneaux bois-ciment-stéatite ont été très concluants puisqu’ils présentent plusieurs avantages en comparaison aux panneaux en gypse. D’une part, la stéatite offre une bonne qualité de surface du panneau, comparable à la surface d’un panneau de gypse, mais sans papier. Ces panneaux présentent également une amélioration de la résistance à l’arrachement des vis de 37 % et de la résistance à la flexion de 69 %. Ils peuvent être facilement coupés avec une scie à main de la même manière que le panneau de gypse, leur conférant ainsi la même facilité d’installation.

De plus, les panneaux bois-ciment-poudre de stéatite ont présenté une bonne résistance à l’eau et un bon comportement au feu. Les essais réalisés à l’aide d’un calorimètre à cône ont permis de constater que, sous un flux radiatif de 50 kW/m2, les panneaux étudiés ont présenté une flamme visuelle après 20 minutes d’exposition au feu tandis que 57 secondes ont été suffisantes pour le panneau en gypse. Ainsi, ces panneaux peuvent être considérés comme un matériau quasi non combustible.

D’un point de vue environnemental, ils offrent également de bons avantages. Le remplacement du ciment par de la poudre de stéatite contribue à réduire les émissions de CO2 causées par la production de ciment. Les deux tiers des matières premières utilisées pour la production de panneaux bois-ciment-stéatite en poudre sont des coproduits peu coûteux issus des industries minière et forestière.

Les panneaux bois-ciment-stéatite développés offrent une qualité de surface comparable à celle du gypse.

La contribution des panneaux bois-ciment-stéatite au confort thermique des bâtiments

La dernière phase des travaux a cherché à évaluer si l’usage des panneaux composites de bois-ciment-stéatite, en remplacement des panneaux en gypse, peut permettre d’augmenter la masse thermique de l’enveloppe et ainsi améliorer le confort thermique et l’efficacité énergétique d’un bâtiment. Pour ce faire, la performance des panneaux bois-ciment-stéatite a été évaluée et comparée à celle de panneaux de gypse, au sein de deux maisonnettes expérimentales en climat froid (Québec, Canada) pendant le printemps et l’été 2019. Les maisonnettes expérimentales en ossature légère en bois, de dimensions 2 x 2,5 x 3 mètres, ont été conçues et construites sur le campus de l’Université Laval en conformité avec le Code national du bâtiment du Canada.

Les essais réalisés dans ces maisonnettes ont mis en évidence le potentiel de ces panneaux hybrides pour améliorer l’efficacité énergétique et le confort thermique d’un bâtiment à ossature de bois dans un climat froid. Au début du printemps, sans chauffage électrique ni solaire, les résultats indiquent que les panneaux développés sont thermiquement efficaces pour maintenir la température intérieure dans une plus petite plage de variation que les panneaux de gypse. Une différence maximale de température de 3,8 °C a été enregistrée entre les deux maisons lors d’une journée du mois de mars. La maisonnette dont les murs étaient recouverts de panneaux bois-ciment-stéatite a montré une meilleure performance thermique, avec une réduction de la consommation de chauffage, qui a été réduite de 5 % en mai et de 7 % en juin.

Pendant la saison estivale, les panneaux de bois-ciment-stéatite ont réduit légèrement la surchauffe de la maisonnette. L’amplitude de la température quotidienne à l’intérieur de la maisonnette contenant les panneaux de bois-ciment-stéatite était toujours inférieure à celle de la maisonnette contenant les panneaux de gypse. La différence de température a atteint un maximum de 2,1 °C. L’efficacité des panneaux de bois-ciment-stéatite pendant l’été a toutefois été limitée par des conditions nocturnes défavorables.

Aperçu du comportement thermique des maisonnettes lors d’une journée de fin d’hiver ensoleillée.

Une alternative intéressante au gypse

Finalement, les résultats obtenus démontrent le potentiel des panneaux développés dans ce projet de doctorat pour remplacer les panneaux de gypse traditionnels, qui ont peu d’alternatives sur le marché. Les panneaux composites bois-ciment-poussière de stéatite offrent des propriétés similaires ou supérieures à celles du gypse alors qu’ils semblent prometteurs pour améliorer le confort thermique des occupants et réduire les besoins en climatisation et en chauffage des bâtiments. En comparaison aux panneaux bois-ciment traditionnels, les ajouts de nouvelles matières dans le mélange des panneaux à l’étude permettent de réduire la quantité de ciment utilisée, ce qui constitue un avantage puisque ce dernier est coûteux alors que sa fabrication dégage beaucoup de CO2.


Pour en savoir plus à ce sujet, vous pouvez consulter le projet de recherche en ligne.


[1] www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/etude-gypse-residuel-deloitte.pdf

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Myriam Drouin

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