Construction durable Innovation

Comment réduire l’impact environnemental des bâtiments par une sélection judicieuse des matériaux?

L’urbanisation croissante a contraint à l’expansion des villes et a accentué leur complexité, entraînant ainsi une augmentation des transports, des infrastructures, du nombre de bâtiments et, par conséquent, de l’énergie consommée.

L’amélioration des paramètres de confort des occupants a également accru la consommation énergétique des bâtiments, ce qui en fait l’une des plus grandes préoccupations de la société d’aujourd’hui.

En raison des besoins en climatisation, chauffage et éclairage ainsi qu’en matériaux, les bâtiments sont effectivement très énergivores. Ils consomment l’énergie directement à partir de sources livrées telles que l’électricité ou le gaz naturel, ce qu’on appelle communément l’énergie opérationnelle du bâtiment. Ils en consomment aussi indirectement si l’on considère l’énergie associée aux matériaux, c’est-à-dire l’énergie utilisée pour l’extraction des matières premières ainsi que pour la fabrication, le transport et l’assemblage des composants [1]. On parle alors d’énergie grise ou intrinsèque.

Le récent rapport Status Report for Buildings and Construction de 2020 [2] rapporte que pour 2019, les émissions de CO2 liées à la demande d’énergie de bâtiments s’approchent de 10 GtCO2. Considérant la totalité des besoins énergétiques, soit l’énergie opérationnelle et grise des bâtiments, la construction serait responsable de 38 % des émissions mondiales totales de CO2. Ces chiffres sont énormes et la situation pourrait encore empirer, car on prévoit que la demande énergétique des bâtiments augmentera de 1,5 % à 2,1 % par an d’ici 2040 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ces quelques statistiques démontrent l’impact environnemental majeur de cette industrie. Alors, comment pouvons-nous minimiser ces impacts et construire plus efficacement et de façon moins dommageable pour l’environnement?

Construction en bois

La construction en bois est de plus en plus reconnue comme moyen de préserver la nature et de créer un environnement durable. Lorsque nous construisons avec cette ressource, il est possible de réduire l’impact environnemental des bâtiments puisque (a) le bois est une ressource renouvelable et peut être transformé en utilisant peu d’énergie (b). Ce matériau et ses produits dérivés sont capables de stocker du carbone (c) et ils peuvent être réutilisés et recyclés.

La construction en bois qu’on connait aujourd’hui au Canada et aux États-Unis a été importée d’Europe du Nord au 16e siècle. Par contre, cette méthode a été améliorée pour s’adapter au climat, aux matériaux et à la culture [3]. Progressivement, les constructions en bois ont évolué en fonction des modifications apportées aux outils, aux transports et aux aspects sociaux.

De nos jours, on estime qu’en Amérique du Nord, plus de 90 % des bâtiments résidentiels sont construits à ossature légère en bois [3]. La demande pour des bâtiments plus verts, le développement de nouveaux produits d’ingénierie en bois et l’évolution de la réglementation ont contribué à augmenter les parts de marché du bois en construction multifamiliale et non résidentielle au Québec dans les dernières années. Les aspects environnementaux de la construction en bois sont désormais clairs et largement connus.

Les certifications

Dans une perspective de développement durable de la construction, certaines stratégies ont été développées. L’utilisation de solutions éco-efficaces dans les bâtiments peut notamment s’appuyer sur des normes et des certifications qui, grâce à un ensemble de critères clés, permettent l’évaluation de différentes options de produits et solutions architecturales [8]. Un large éventail de certifications est disponible dans le but de rendre la construction plus durable.

En effet, de nombreux pays ont développé des normes et certifications pour soutenir la construction de bâtiments à plus faible impact environnemental, y compris une consommation énergétique réduite. Le programme d’évaluation et de certification Energy Star développée par l’Agence américaine de protection de l’environnement , la certification Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) par le US Green Building Council (USGBC), le Building Research Establishment Environmental Méthode d’évaluation (BREEAM) par le Building Research Establishment (BRE) au Royaume-Uni et le National Australian Built Environment Rating System (NABERS) en sont des exemples [4].

L’utilisation de ces normes et certifications peut être une stratégie pour réduire l’empreinte environnementale des bâtiments. Ces certifications proposent des moyens de mieux sélectionner les matériaux et produits pour un projet de construction. Par contre, les systèmes de certification ont toutefois été critiqués en raison de leurs considérations trop centrées sur les aspects environnementaux.

En d’autres mots, les programmes de certification se limitent trop souvent aux seuls critères environnementaux et d’efficacité des ressources tels que l’analyse du cycle de vie (ACV) et des matériaux à faible impact environnemental (matériaux recyclés, exempts de composants nocifs pour la santé et pour l’environnement, etc.), alors qu’ils ne prennent pas en compte les facteurs socio-économiques et techniques pour atteindre la meilleure option, qui sont directement liés au développement durable des bâtiments, comme le montre la Figure 1.

FIGURE 1

Figure 1 – Représentation schématique offrant une vue holistique du processus de sélection des matériaux de construction (Source : Cabral M.R).

Comment la recherche peut-elle aider à vaincre ce défi?

Des recherches sur la performance des matériaux et des bâtiments peuvent être facilement trouvées dans la littérature. Cependant, il y a une absence d’études développant un modèle holistique pour fournir des lignes directrices sur la façon dont l’utilisation des matériaux peut optimiser la performance des bâtiments.

En quête d’une réflexion globale sur l’utilisation des matériaux en tenant compte de tous les aspects du bâtiment durable, je réalise actuellement un projet de doctorat à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) à l’Université Laval. Ce projet vise le développement d’un modèle visant à faciliter le choix de matériaux lors de la conception d’un bâtiment. À cette fin, la méthodologie de cette recherche a considéré dans un premier temps l’apport de la littérature technico-scientifique ainsi que des études de cas.

Grâce à cette première analyse, une cinquantaine de critères considérés lors de l’utilisation des matériaux dans la construction ont été identifiés. Ces critères ont été regroupés en sept catégories principales : (1) propriétés techniques des matériaux; (2) matériaux durables; (3) efficacité énergétique; (4) économie des matériaux; (5) conditions du site et logistique; (6) documentation et standardisation et (7) bénéfice social.

De plus, des entrevues semi-dirigées réalisées auprès de professionnels de la construction sur site et industrialisée ont par la suite permis d’obtenir des informations supplémentaires pour les critères de sélection et les principaux problèmes rencontrés lors de l’utilisation des matériaux.

Ces rencontres ainsi qu’une révision approfondie des documents trouvés dans la première analyse ont notamment démontré qu’environ 50 % des critères identifiés sont réellement pris en compte, notamment les critères techniques tels que les performances physiques, la durabilité bien que les produits avec des coûts logistiques soient inférieurs ainsi que ceux qui renforcent l’économie locale.

Les critères liés à la performance énergétique et les produits certifiés sont moins considérés, mais tendent à l’être davantage. Le projet de recherche se poursuit actuellement afin de croiser ces informations en prenant en compte l’approche technique versus le développement durable.

Conclusion

Lors de la conception d’un bâtiment, le choix des matériaux est l’une des étapes les plus importantes du projet. En choisissant des produits performants, en accord avec les normes et qui présentent une durée de vie plus longue, on augmente la durabilité et on diminue les réparations des bâtiments.

Cette recherche devrait donc fournir des références et des recommandations perspicaces et précieuses pour aider rapidement les experts de l’industrie de la construction tels les architectes, ingénieurs et gestionnaires ainsi que les chercheurs, en leur offrant une solution rapide pour faire des choix éclairés et établir des stratégies en matière de matériaux, contribuant ainsi au développement de la construction durable.

Références

1.      Dixit, M.K.; Culp, C.H.; Fernandez-Solis, J.L. Embodied energy of construction materials: Integrating human and capital energy into an IO-based hybrid model. Environ. Sci. Technol. 2015, doi:10.1021/es503896v.

2.      United Nations Environment Programme (2020). 2020 Global Status Report for Buildings and Construction: Towards a Zero-emission, Efficient and Resilient Buildings and Construction Sector. Nairobi. [https://globalabc.org/sites/default/files/inline-files/2020%20Buildings%20GSR_FULL%20REPORT.pdf]

3.      Renata Jočienė Wooden Houses in the USA: A Centuries-Old Building Tradition | Available online: http://www.aga-cad.com/blog/wooden-houses-in-the-usa-a-centuries-old-building-tradition (accessed on Aug 20, 2021).

4.      Cabral, M.R.; Blanchet, P. A State of the Art of the Overall Energy Efficiency of Wood Buildings—An Overview and Future Possibilities. Materials (Basel). 2021, 14, 1848, doi:10.3390/ma14081848.

Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.

À propos de l'auteur

Matheus Roberto Cabral

Matheus Roberto Cabral

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