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Projet de loi n˚ 16 : éléments d’intérêt pour le développement résidentiel

François Bernier
Écrit par François Bernier

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a participé aux consultations concernant le projet de loi n˚ 16 (PL 16), Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et d’autres dispositions

Le projet de loi n˚ 16 a été sanctionné le 1er juin 2023. Sauf pour certains articles, les modifications sont en vigueur depuis cette date. 

Les propositions de l’APCHQ visaient essentiellement à permettre une accélération de la construction en améliorant le processus d’autorisation de certains projets, notamment les logements accessoires et les projets densifiés à une plus grande échelle. Trois éléments d’appui au développement étaient également recherchés : une meilleure formation pour les membres des Comités consultatifs d’urbanisme (CCU), l’exemption référendaire des projets permettant d’atteindre le potentiel de développement et un meilleur encadrement de redevances de développement. Ce dernier élément n’a pas été retenu. Toutefois, des avancées intéressantes ont été faites, en réponse aux propositions de l’APCHQ à l’égard des CCU et des référendums. 

Le présent document vise à mettre en lumière les principaux changements, incluant ceux apportés par les amendements à la suite de la consultation et qui contribuent à l’atteinte des demandes exprimées par l’APCHQ. 

A. Formation des membres d’un CCU 

Les membres d’un CCU devront désormais suivre une formation portant sur leur rôle et leurs responsabilités (nouvel article 147.1 LAU, introduit par l’article 127.1 du PL 16) :  

« Tout membre du comité doit, au plus tard le jour qui suit de trois mois le début de son mandat, suivre une formation portant sur son rôle et ses responsabilités au sein du comité. 

L’obligation prévue au premier alinéa ne s’applique pas à un membre du comité ayant déjà suivi une telle formation. »  

La formation est également obligatoire pour les membres d’un comité de démolition (nouvel article 148.0.0.3.1 LAU, introduit par l’article 127.2 du PL 16).   

Enfin, il est à noter que ces articles entreront en vigueur le 1er juin 2024 uniquement. 

Commentaires

Ceci est un pas dans la bonne direction pour permettre aux membres des CCU d’analyser les dossiers conformément à leurs obligations.  Il est présumé que les associations municipales et en urbanisme développeront une offre de formation au cours des prochains mois.  

L’APCHQ poursuivra ses efforts de sensibilisation auprès des associations municipales afin que les membres des CCU soient mieux outillés pour exercer leurs fonctions (par exemple, à l’aide d’une grille d’analyse) et que les promoteurs soient invités, lors des séances de CCU, à leur donner toute explication nécessaire.  

B. Densification à l’abri du processus référendaire 

Le PL 16 propose deux ajouts importants à l’exemption référendaire, dans une zone où un usage résidentiel est déjà autorisé, soit pour l’autorisation des logements accessoires et pour augmenter la densité d’un projet (augmentation de 33  % de la valeur initiale, par période de quatre ans).  

À la suite de nombreux commentaires, notamment sur le pourcentage et des oublis importants pour réellement autoriser la densification, le PL 16 a été adopté avec une modification substantielle pour l’augmentation de la densité d’un projet visé au paragraphe 2° du deuxième alinéa de l’article 123.1 (introduit par l’article 106 du PL 16). 

« 2° modifie, dans le but d’augmenter la densité d’occupation du sol, une norme visée au paragraphe 5° ou 6° du deuxième alinéa de l’article 113 ou une norme relative au nombre de logements qui peuvent être aménagés dans un bâtiment, pour autant que soit respectée l’une ou l’autre des conditions suivantes : 

a. la variation n’excède pas le tiers de la valeur initiale de la norme; 

b. la variation n’excède pas la moitié de la valeur initiale de la norme, lorsque la norme s’applique uniquement à  
i. une zone dans laquelle se situe un point d’accès à un service de transport collectif qui est exploité sur rail ou sur une autre voie qui est destinée exclusivement au transport collectif; 
ii. une zone contiguë à une zone visée au sous-paragraphe i; 

c. dans le cas d’une norme relative à la hauteur des bâtiments ou au nombre de logements qui peuvent être aménagés dans un bâtiment, la variation n’excède pas ce qui est nécessaire afin de permettre, selon le cas, à un bâtiment d’avoir un étage supplémentaire ou de comprendre un logement supplémentaire, lorsque le respect d’une condition prévue au sous-paragraphe a ou b ne permet pas d’atteindre cette fin; ». 

Également, une modification a été ajoutée, à la suggestion de l’APCHQ, afin que l’exemption s’applique également aux normes visées au paragraphe 6° du deuxième alinéa de l’article 113 LAU (ex. : taux d’implantation du bâtiment) ainsi que la norme de densité en matière de logements à l’hectare autrefois prévue au paragraphe 3° de l’article 113. Elle est désormais introduite au paragraphe 5°. 

En résumé, dans une zone où l’usage résidentiel est déjà autorisé, les normes visées aux paragraphes 5° et 6° (hauteur, superficie, volume, marges, nombre de logements à l’hectare, taux d’implantation, etc.) et permettant d’augmenter la densité d’un projet sont désormais exemptés de l’approbation référendaire pour une variation maximale de : 

a. 33 % de la valeur initiale pour l’ensemble du territoire 

b. 50 % de la valeur initiale pour une zone où est situé un point d’accès au transport collectif (ex. : REM, train de banlieue, métro) ou une zone contiguë à celle-ci 

En d’autres termes, l’exemption permet de faciliter une plus grande densification en bordure de certains transports collectifs. Quant au paragraphe c), ce dernier permet, à notre avis, d’ajouter minimalement un étage ou un logement additionnel dans le cas où la variation de 33 % aurait conclu à une aberration (ex. : 2/3 d’un étage ou ½ logement). 

Commentaires 

Toutes ces modifications contribuent à faciliter l’adoption de projets plus denses, pourvu que la municipalité souhaite de tels projets. L’APCHQ a proposé de bonifier cette norme à 50  % dans certaines circonstances, ce qui a été entendu. L’APCHQ a aussi suggéré de pouvoir la bonifier davantage lorsque ceci permet d’atteindre un potentiel dicté par les infrastructures en place ou projetées.  Cette ouverture n’a pas été accordée. 

L’enjeu demeure que la densité est un choix local et non une nouvelle cible gouvernementale. Pour atteindre cet objectif, il faudra faire des représentations dans le cadre des orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT), en consultation d’ici la fin août 2023. 

C. Autres modifications contribuant à l’atteinte des demandes exprimées par l’APCHQ 

Voici, en rafale, quelques autres modifications qui contribuent directement ou indirectement à l’atteinte des demandes exprimées par l’APCHQ : 

1. Exemption référendaire : outre les exemptions référendaires pour la densification (voir point B), les dispositions suivantes ne seront plus susceptibles d’approbation référendaire : les normes de lotissement, les interventions dans un lieu de contrainte anthropique (ex. : les mesures de bruit près d’une autoroute), les normes de stationnement, la division et la subdivision d’un logement. Soulignons que l’exemption référendaire introduite depuis 2017 est aussi maintenue pour les équipements collectifs, l’habitation destinée à des personnes ayant besoin d’aide, de protection, de soins ou d’hébergement (ex. : programme SHQ) et les cimetières. 

2. Maintien du processus de consultation publique : le PL 16, avant sa sanction, proposait de rendre optionnelle la consultation publique en la remplaçant par une consultation écrite d’une durée minimale de 14 jours. Cette proposition aurait eu pour effet d’augmenter les délais d’approbation d’un projet soumis à une telle consultation (ex. : PPCMOI, changement de zonage, etc.) Cette proposition n’a pas été retenue. Nous conservons donc les mêmes modalités. 

3. Maintien de la politique de participation publique : le PL 16, avant sa sanction, proposait d’abroger les dispositions relatives à l’adoption d’une politique de participation publique par les municipalités, ce qui leur permet d’exempter tout projet de l’approbation référendaire. Cette proposition n’a pas été retenue. Nous conservons donc les mêmes modalités. Il est à noter que moins de dix municipalités au Québec ont retenu cette approche.  

4. Contribution pour fins de parcs, de terrains de jeux ou d’espaces naturels : il sera désormais possible pour la municipalité d’exiger une servitude au lieu d’une cession ou d’un versement. 

5. Zonage incitatif : nouvel outil discrétionnaire pour une municipalité qui requiert l’avis du CCU.  
Ce règlement, susceptible d’approbation référendaire, permettra de conclure une entente avec le promoteur pour la prestation de services (ex. : ajouter des logements abordables ou sociaux, atteindre des objectifs de performance environnementale, réaliser tout aménagement, équipement d’intérêt public ou la préservation ou la restauration d’un immeuble qui a une valeur patrimoniale) en contrepartie d’un zonage « favorable » (ex. : augmentation de la hauteur, de la densité, etc.). Dans la pratique, il ressemble à l’approche par PPCMOI qui permet déjà ce type de négociation, mais avec des exigences plus précises. Autre distinction, c’est le règlement qui sera susceptible d’approbation référendaire, et non le projet du promoteur, ce qui réduit les délais d’approbation lors du dépôt du projet. 

6. Nouvelles exigences au plan d’urbanisme : bien que le plan d’urbanisme ne soit pas opposable aux promoteurs, cet outil de planification encadre les normes des règlements d’urbanisme. Le PL 16 impose un nouveau contenu obligatoire au plan d’urbanisme, notamment l’obligation d’introduire des cibles, d’identifier les besoins projetés en matière d’habitation, de planifier la consolidation de toutes parties du territoire devant en faire l’objet de façon prioritaire, etc. Les municipalités devront ainsi introduire leur réflexion sur les besoins en logements dans le plan d’urbanisme et ces besoins ou cibles devront être traduits dans les règlements d’urbanisme. 

7. Ressource en eau et infrastructures : la ressource en eau est au centre des préoccupations du gouvernement. De manière concrète, le développement sera tributaire de la capacité de desserte en infrastructures et la disponibilité de la ressource en eau. La municipalité doit d’ailleurs aborder cette question au plan d’urbanisme (voir le point précédent). Également, le PL 16 modifie la Loi sur les compétences municipales afin que la municipalité puisse adopter un règlement provisoire pour interdire, pour une durée n’excédant pas deux ans, « toute intervention consistant à exécuter des travaux ou utiliser un immeuble lorsque celle-ci serait susceptible 1) de créer des besoins excédant la capacité d’un système d’alimentation en eau, d’égout ou d’assainissement des eaux; 2) d’entraîner une insuffisance des ressources en eau et d’en détériorer la qualité ». L’interdiction pourrait être reconduite au moyen d’un nouveau règlement à caractère provisoire.  

8. Programme de revitalisation : possibilité d’octroi d’une aide financière d’une durée maximale de 10 ans, y compris sous forme de crédit de taxes. 

9. Logements accessoires et possibilité d’un programme d’aide : Outre le fait que l’aménagement ou l’occupation de logements accessoires ne seront plus visés par une approbation référendaire (voir partie B), un programme d’aide pourrait être adopté, sous forme de règlement, en vertu de l’article 91.3 de la Loi sur les compétences municipales. Ce règlement pourrait s’appliquer à tout propriétaire d’une habitation unifamiliale qui possède les caractéristiques suivantes : 1° elle comporte un logement accessoire; 2° l’un des logements est occupé soit par une personne proche aidante de l’occupant de l’autre logement, soit par une personne qui a, ou a eu, un lien de parenté ou d’alliance, y compris par l’intermédiaire d’un conjoint de fait, avec l’occupant de l’autre logement. 

10. Avis de conformité de la MRC (requis pour l’entrée en vigueur des règlements) : la MRC doit refuser de se prononcer sur la conformité d’un règlement (ex. : modification du zonage) lorsque la municipalité est en défaut d’apporter une modification de concordance à son plan d’urbanisme ou à ses règlements d’urbanisme, sauf dans certains cas. Ce changement aura un impact majeur pour les municipalités qui tardent à se conformer aux nouvelles obligations découlant du schéma d’aménagement. Ainsi, si un changement de zonage est soumis pour autoriser un projet immobilier et que la municipalité est en défaut, ce changement de zonage ne pourra pas entrer en vigueur tant et aussi longtemps que la municipalité ne sera pas conforme au schéma de la MRC. Cette modification à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) pourrait être bénéfique pour les membres de l’APCHQ face aux municipalités qui refusent de se conformer aux obligations régionales, par exemple, en matière de densité.

11. Calcul des personnes habiles à voter à l’étude du registre : le PL 16 a modifié la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités afin de retirer une méthode de calcul qui était possible en l’absence de la liste électorale à jour. Cette méthode avait généralement pour effet d’établir un nombre de personnes habiles à voter inférieur au nombre réel. Ainsi, advenant qu’un registre doive être tenu à la suite d’un changement de zonage, cela aurait pour effet d’établir un nombre supérieur, mais réel. Ainsi, il faudrait plus de personnes pour s’opposer à un changement de zonage. 

12. Mécanisme de reddition de compte : les MRC devront produire un bilan régional aux quatre ans. Il est en est de même pour les communautés métropolitaines et le ministre lui-même. Ces bilans devront notamment faire état du nombre de logements construits, de la densité atteinte, etc. Ce mécanisme permettra d’assurer un suivi plus régulier sur les efforts de densification des municipalités. 

Nous tenons à remercier Hélène Doyon, urbaniste, pour sa collaboration au présent texte.

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François Bernier

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