Construction durable

La gestion des résidus ultimes sur les chantiers de construction résidentielle

David Dinelle
Écrit par David Dinelle

En décembre dernier, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a mandaté le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) afin de dresser un portrait sur la question des résidus ultimes, soit tout débris ou résidu qui « se trouve à la toute fin du cycle de tri, de récupération et de mise en valeur des matières résiduelles ».

Afin de les soutenir dans cette démarche, les commissaires du BAPE ont mis de l’avant des ateliers d’échanges et de réflexion. C’est dans ce cadre que l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a été invitée à participer, le 27 avril dernier, à un atelier portant sur le secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition. Il est d’ailleurs possible de visionner l’atelier en différé.

Notre association a d’ailleurs déposé un mémoire préparé conjointement avec le Regroupement des Récupérateurs et des Recycleurs de Matériaux de Construction et de Démolition du Québec (3R MCDQ), l’Association de la construction du Québec (ACQ) et le Conseil du bâtiment du durable. Ce mémoire a été présenté le 25 mai lors des audiences du BAPE. Il est aussi possible de regarder la présentation en différé.

Les débris de construction

En 2018, RECYC-QUÉBEC estimait que la quantité de débris générés sur les chantiers de construction représentait près de 3 millions de tonnes, et que 60 % de ces débris étaient envoyés vers les centres de tri. C’est donc 1,2 million de tonnes qui se retrouvent directement dans les lieux d’élimination, ce qui représente 22 % de l’ensemble des résidus ultimes au Québec. Notre industrie a donc certainement un rôle à jouer dans l’effort de réduction, surtout dans un contexte où les mises en chantier augmentent et les prévisions abondent dans le même sens. Il ne faut d’ailleurs pas négliger l’apport de la rénovation alors que 57 % du cadre bâti résidentiel québécois a été construit avant 1980. Toutefois, si elle a un rôle à jouer, l’industrie de la construction résidentielle doit répondre à des situations qui lui sont propres. C’est donc en ce sens que l’APCHQ a répondu aux questions apportées par les commissaires.

Considérant l’augmentation prochaine des redevances à l’enfouissement, l’imposition d’une pénalité au tonnage pour tous les conteneurs de débris de construction, de rénovation et de démolition (CRD) qui passeraient outre un centre de tri et une possible responsabilité élargie des producteurs (REP) sur certains matériaux, il devient nécessaire de favoriser une sensibilisation accrue sur les avantages économiques et d’encourager les bonnes pratiques du tri à la source.

Défis

Les principaux défis de notre industrie par rapport à la gestion des matières résiduelles demeurent le tri en chantier et la sensibilisation. S’il semble tout à fait simple de trier les bons matériaux dans les bons compartiments, les chantiers demeurent toutefois différents les uns des autres, notamment lorsque l’on compare un chantier de rénovation à un chantier de construction neuve.

Main-d’œuvre

L’industrie de la construction résidentielle est présentement confrontée à une pénurie de main-d’œuvre, et celle-ci ne semble pas se calmer à court terme. Selon un sondage effectué par la Commission de la construction du Québec (CCQ) en juin 2020, 82 % des employeurs de la construction étaient confrontés à autant ou plus de difficultés d’embauche qu’en 2019, et l’enjeu principal de l’industrie était la pénurie de main-d’œuvre. En 2018, un sondage réalisé par l’APCHQ sur le même sujet démontrait que 79 % des employeurs en construction avaient des problèmes de recrutement de main-d’œuvre pour réaliser des contrats.

Si l’on conjugue ce manque de main-d’œuvre, son taux horaire ainsi que la réglementation sectorielle qui définit les tâches à effectuer sur les chantiers, l’obligation de trier peut rapidement devenir un casse-tête supplémentaire. Dans certains cas, un employé serait d’ailleurs dédié à cette tâche alors que dans d’autres, c’est l’entrepreneur lui-même qui s’en occuperait. C’est pourquoi nous croyons qu’il faut, dans un premier temps, mettre de l’avant des programmes de sensibilisation jumelés à des projets pilotes afin d’inciter le secteur à se tourner vers des pratiques où l’on encourage le tri en chantier.

Construction neuve et rénovation

En construction neuve, le tri des matériaux apparaît beaucoup plus simple qu’en rénovation, où il faut préalablement procéder à une démolition. Dans ce contexte, on utiliserait plutôt le terme « déconstruction » puisque tous les matériaux seraient retirés un à un afin qu’ils soient bien triés. Une déconstruction demanderait beaucoup plus de temps et entraînerait un coût beaucoup plus élevé. Toutefois, dans le cas où le devis inclurait une déconstruction, et donc les coûts qui lui sont associés, celle-ci pourrait certainement se réaliser.

Service clé en main

Considérant le manque de main-d’œuvre et les taux horaires applicables, une majorité d’entrepreneurs optent pour un service clé en main et font affaire avec un service de conteneurs. Une fois rempli, le conteneur est récupéré afin d’être acheminé, de préférence, vers le centre de tri. Dans certains cas, à cause de la distance et des coûts de transport, celui-ci est envoyé directement dans un lieu d’enfouissement. Notre association encourage toutefois le passage des résidus de CRD par les centres de tri, qui possèdent les outils et la main-d’œuvre afin de procéder au triage efficacement. Elle est toutefois consciente que la compétition peut rapidement encourager les entrepreneurs à se tourner vers les sites d’enfouissement en raison de leur proximité.

Gypse

Lorsque l’on opte pour le service clé en main, il faut prendre en considération que le gypse peut rapidement devenir un contaminant pour l’ensemble des autres résidus dans le conteneur. Une attention particulière devrait donc lui être apportée afin qu’il soit trié en amont. C’est pourquoi nous souhaitons la poursuite de projets pilotes qui encouragent cette pratique en priorisant les chantiers de construction neuve. Des incitatifs financiers pourraient certainement être mis de l’avant afin que les entrepreneurs puissent se procurer les équipements nécessaires au tri du gypse. En effet, il existe des conteneurs compartimentés, ou encore des systèmes de bâches qui facilitent le tri du gypse.

Débouchés et conditions économiques

En réunissant les conditions économiques et techniques, nous pourrions, de toute évidence, assurer une certaine circularité dans la gestion des débris de construction. Pour y arriver, il faudrait certainement miser sur la sensibilisation des entrepreneurs et la formation, mais en changeant quelques habitudes, on pourrait faciliter le tri en chantier. Toutefois, ce tri pourrait s’effectuer beaucoup plus rapidement si la valeur économique des débris générés augmentait. En effet, le tri du métal et du cuivre se fait déjà sur nos chantiers considérant leur valeur de revente. C’est pourquoi il ne faut pas négliger le développement d’une filière en recherche et développement à propos de l’économie circulaire des CRD afin d’assurer des débouchés pour tout ce qui est généré grâce au tri en chantier.

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