Un bâtiment plus écoénergétique est-il systématiquement plus « performant » d’un point de vue environnemental ? Pas nécessairement. L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a participé aux consultations du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) sur l’efficacité énergétique des bâtiments (pour consulter le mémoire complet, cliquez ici).
Note importante : En mars 2024, la Loi sur la performance environnementale des bâtiments (LPEB) a été sanctionnée. Le déploiement de cette loi se fera en trois règlements : deux règlements concernant le système de déclaration et de cotation énergétique et un troisième portant sur les normes de performances environnementales en matière de travaux de construction. La présente consultation s’inscrit en prévision des règlements à venir.
Efficacité énergétique vs performance environnementale : démêlons les concepts
Avant d’aller plus loin, clarifions les termes. L’efficacité énergétique, c’est consommer moins d’énergie pour le même niveau de confort. On parle de kWh/m2/an, d’isolation, de systèmes mécaniques performants. C’est mesurable et quantifiable.
La performance environnementale des bâtiments, c’est plus large et plus complexe. Certes, elle englobe l’efficacité énergétique (carbone opérationnel), mais aussi l’empreinte carbone des matériaux (carbone intrinsèque), les méthodes de construction, la gestion de l’eau, la qualité de l’air intérieur, la durabilité des composants et même l’impact sur la biodiversité locale. Un bâtiment peut être très efficace énergétiquement tout en étant un désastre environnemental si ses murs de béton ont généré des tonnes de CO2 ou si ses matériaux viennent de l’autre bout de la planète.
Neuf vs existant : deux stratégies
Le Québec jouit d’un avantage environnemental énorme : une électricité massivement décarbonée. Mais avons-nous tenu cette richesse pour acquise ? Pendant que d’autres provinces modernisaient agressivement leurs codes du bâtiment, le Québec a pris du retard. Résultat ? Nos normes d’efficacité énergétique pour les petits bâtiments d’habitation datent de 2012. Treize années se sont écoulées sans qu’il y ait de mise à jour.
Pendant ce temps, deux réalités coexistent : d’un côté, des constructions neuves qui peuvent atteindre des performances remarquables avec les bonnes techniques; de l’autre, un parc existant important qui gaspille l’énergie. Même combat ? Pas vraiment.
Pour les constructions neuves, 65 % à 85 % des émissions sont générées par le cycle de vie des matériaux utilisés (carbone intrinsèque). L’enjeu environnemental se concentre donc sur le choix des matériaux plutôt que sur l’efficacité énergétique pure.
En revanche, pour les bâtiments existants, l’impact lié au carbone intrinsèque est déjà concrétisé. L’amélioration de l’efficacité énergétique devient alors l’intervention la plus pertinente pour réduire l’empreinte environnementale.
Face à ces constats, l’APCHQ a formulé sept recommandations dans son mémoire. Ces propositions s’articulent autour de trois axes principaux :
Harmonisation et prévisibilité : Finaliser les travaux d’harmonisation réglementaire en cours plutôt que de créer de nouveaux cadres, tout en établissant des échéanciers prévisibles pour l’industrie.
Mesure de la performance réelle : Passer d’approches basées sur des standards théoriques à des systèmes qui mesurent et récompensent les gains effectifs, tant pour les rénovations que pour les programmes d’aide financière.
Approche différenciée : Reconnaître que les constructions neuves et les bâtiments existants requièrent des stratégies distinctes, les premières devant intégrer le carbone intrinsèque dès la conception, les seconds se concentrant prioritairement sur l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Conclusion
Dans le contexte québécois, l’efficacité énergétique et la performance environnementale des bâtiments relèvent d’un même combat, mais nécessitent des stratégies adaptées selon le type de bâtiment et l’étape de son cycle de vie. L’abondance d’électricité décarbonée au Québec ne justifie pas l’inaction en matière d’efficacité énergétique, mais elle modifie les priorités environnementales.
Pour les constructions neuves, l’enjeu principal réside dans la sélection de matériaux à faible empreinte carbone, l’efficacité énergétique étant plus facilement atteignable dès la conception. Pour le parc existant, l’amélioration de l’efficacité énergétique demeure la voie la plus directe pour réduire l’impact environnemental.
Les recommandations de l’APCHQ visent à créer un cadre cohérent qui exploite les avantages énergétiques du Québec tout en évitant le piège de la complaisance. L’objectif est de maximiser les gains environnementaux réels tout en offrant à l’industrie la prévisibilité nécessaire pour planifier ses investissements et développer son expertise.
Cette consultation est l’occasion de définir une approche québécoise distinctive en matière de performance environnementale des bâtiments, une approche qui reconnaît nos spécificités énergétiques tout en nous préparant aux défis à venir.
Pour toute question ou information additionnelle, communiquez avec Félix Cadotte ou visitez notre site Internet.
